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  • Signe Cohen - Heimdallr and Apā́ṃ Nápāt: A Comparison

    Heimdallr and Apā́ṃ Nápāt: A Comparison

     

    Signe Cohen

     

    Abstract : This essay compares the Norse deity Heimdallr to the Vedic and Iranian Apā́ṃ Nápāt. Parallels between these two deities include being born to multiple mothers and association with fire in water and with a cosmic life-giving tree, gold, and horses. Comparisons to other Indo-European deities and mythological figures such as Nechtan, Morann, Poseidon and Neptune are also considered. This essay argues, however, that the primary goal of comparative mythology should not be merely to reconstruct a proto-myth, but rather to understand why inherited material was interpreted so differently in various historical and social contexts.

    Keywords : Heimdallr, Apā́ṃ Nápāt, Nechtan, Morann, fire in water, Norse mythology, Vedic mythology, Irish mythology, Indo-European mythology, comparative mythology.

    Résumé : Cet essai compare la divinité nordique Heimdallr à la divinité védique et iranienne Apā́ṃ Nápāt. Les parallèles entre ces deux divinités incluent la naissance de mères multiples, l’association avec le feu dans l’eau et avec un arbre cosmique qui donne la vie, avec de l’or et avec des chevaux. Des comparaisons avec d’autres divinités indo-européennes et des figures mythologiques telles que Nechtan, Morann, Poséidon et Neptune sont également prises en compte. Cet essai soutient, cependant, que l’objectif principal de la mythologie comparée ne devrait pas être simplement de reconstruire un proto-mythe, mais plutôt de comprendre pourquoi le matériel hérité était interprété si différemment dans divers contextes historiques et sociaux.

    Mots-clés : Heimdallr, Apā́ṃ Nápāt, Nechtan, Morann,  feu dans l’eau, mythologie nordique, mythologie védique, mythologie irlandaise, mythologie indo-européenne, mythologie comparée.

     

    Télécharger le fichier en pdf / download in pdf: Cohen.pdf

  • Numéro 6 / No 6 - 2021

    Mélanges offerts à la mémoire de Nick J. Allen

     

    Sommaire / Summary

     

    Bernard Sergent, La "Groac’h de l’île de Lok" et les trois fonctions indo-européennes

    Marcello De Martino, La quarta funzione, ovvero 3 + 1: l’“arcifunzione” indoeuropea

    Dominique Briquel, Sur le traitement post-mortem infligé à Crassus

    Éric Pirart, Narcisse en Iran et en Inde

    Patrice Lajoye, Le mauvais souverain pris sous la glace. Identification d'un mythe, de l'Inde aux Bogomiles

    Pierre Sauzeau, Le renard, Dionysos et la panthère

    T. L. Markey, Togi- the Terrible

    John Shaw, Mythological aspects of the 'Return Song' theme and their couterparts in North-western Europe

    Arik Moran, When the Nars descended from Heaven

    Signe Cohen, Heimdallr and Apā́ṃ Nápāt: A Comparison

    Yūto Kawamura, The Origin of Indra as the Thunder God

    Krešimir Vuković and Maria Mariola Glavan, The Indo-European Daughter of the Sun: Greek Helen, Vedic Saranyu and Slavic Morana

    Roger Woodard, Carmenta - Aditi

    Marcel Meulder, La présence du motif indo-européen des trois morts fonctionnelles dans le Certamen Homeri et Hesiodi

    Emily Lyle, The Female Quarter

    John Leavitt, The Smith, the Cow, and the Stars. Excursions in English and Comparative Mythology

    Christophe Vielle, Heur et Malheur de Dumézil en Inde

    Michael Witzel,  “When the lake drained away”. The 600 Nāgas of Kashmir

    Olga M. Davidson, A pentadic rethinking of Goshtāsp in the Shāhnāma of Ferdowsi

    Gregory Nagy, Comments on the thinking of Nick Allen about myth and epic

    Leonid Kulikov, Yamī, Yama et leurs cousins indo-européens. Notes sur le mythe indo-européen de l’inceste primordial

  • (Review) Comparative Mythology 5

    Comparative Mythology, 5, 2019, 82 p., Cambridge, International Association of Comparative Mythology, http://compmyth.org/journal/ ISSN 2409-9899.

     

    Attendu depuis près de trois ans, le nouveau numéro de Comparative Mythology vient de paraître. Les éditeurs de cette revue ont choisi de faire de ce volume le cinquième et non le troisième, en vertu du millésime : 2019 est la cinquième année depuis la fondation de la revue. Cependant, il ne s’agit que d’un détail bibliographique insolite que la qualité du contenu de ce numéro fait rapidement oublier.

    Ainsi, ce volume s’ouvre par «The Legacy of the Berserker» de John Colarusso. Prenant comme point de départ la caractérisation du berserker dans la Hrólfs saga kraka, il en analyse les principaux attributs: le fait qu’il se tienne à l’écart des autres combattants – sans doute à cause de sa transe guerrière; sa proximité avec le roi; le port de la fourrure de l’animal qu’il a tué; et un comportement insultant et provoquant envers tout nouvel arrivant quel que soit son statut. De telles caractéristiques semblent, selon l’auteur, avoir influencé la figure indo-européenne du héros, à travers la figure du combattant solitaire, par choix ou abandonné par ses camarades, à l’animosité inexpliquée desquels il doit faire face. Selon lui, une telle influence est visible dans le cas d’Achille, dont la colère injurieuse vis à vis d’Agamemnon, entraînant sa réclusion, fait suite une véritable furie meurtrière sur le champs de bataille, digne d’un berserker nordique. De même, la rage homicide et psychotique de ces guerriers se retrouve dans celle d’Héraclès tuant sa femme et ses fils. Les excès de ce type de comportement sont stigmatisés dans des cultures qui ne les comprennent plus, comme en Grèce, lorsque Tydée dévore le cerveau de Mélanippe ou quand Ajax décime les troupeaux des Achéens et leurs gardiens en croyant, dans une rage vengeresse, qu’il s’agit des guerriers grecs. De même, la chaleur dégagée par certains héros dans leurs exploits guerriers et son apaisement semblent aussi être le souvenir de la transe guerrière de ce type de combattants. Celle-ci pouvant amener à des contorsions permettant de lancer le mauvais œil sur l’ennemi. Notre auteur termine sur le caractère sacré, mais aussi psychotique, de ces guerriers. Les propositions de Colarusso nous semblent tout à fait séduisantes, mais elles auraient été d’autant plus intéressantes s’il les avait mis en parallèle avec d’autres études portant sur la colère d’un héros comme Achille ou sur la nature et l’apaisement de la furie guerrière1.

    Dans «Cultic Calendar and Psychology of Time: Elements of Common Semantics in Explanatory and Astrological Texts of Ancient Mesopotamia», Vladimir Emelianov se penche sur les textes calendaires et astrologiques assyriens et babyloniens, qu’il analyse par le biais de la chronopsychologie. Il montre que les rituels et les prescriptions conseillés entre la partie sombre et celle lumineuse de l’année correspondent aux états psychologiques favorisés par le cycle psychobiologique annuel. Mettant en parallèles ces conseils mais aussi d’autres concernant les actes magiques et la correspondance microcosmique de chaque signe zodiacal, il en déduit que les érudits mésopotamiens ont relié le contenu mythologique et rituel de chaque mois aux prescriptions médicales et aux prévisions astrologiques, selon la logique du rapport macrocosme-microsme. De manière particulièrement intéressante et originale, il relie ses conclusions aux recherches récentes sur les rythmes biologiques saisonniers chez l’être humain, dont les résultats auraient pu être également observé par les médecins et astrologues mésopotamiens. L’utilisation de la psychologie et de la biologie dans ce cadre interprétatif nous semble tout à fait pertinent, en complément éventuel d’autres méthodes.

    Retour à la mythologie indo-européenne avec «“Nine Nights” in Indo-European Myth» de Signe Cohen. Celle-ci avance que l’intervalle temporel de neuf nuits qui est fréquemment cité dans la mythologie et les rituels des cultures indo-européennes connote à la fois l’existence d’une semaine de neuf jours, dans le système calendaire ancien de celles-ci, mais aussi une symbolique liée aux forces de l’Autre Monde, aux idées de transformations, de mort et de renaissance. Ce système remontant aux temps proto-indo-européens serait basé sur le fait qu’une période de trois fois neuf jours est égal à la durée d’un mois lunaire. Cette étude tout à fait pertinente mériterait d’être mise en parallèle avec celle de Claude Sterckx concernant la neuvième vague, un intervalle spatial nautique qui possède le même type de symbolisme2.

    De son côté, Kazuo Matsumura contribue épistémologiquement à ce numéro avec «Theories of Diffusionism: Myth and/or Science?», où, après avoir retracé l’historiographie de la théorie diffusioniste et de ses égarements initiaux qui tendirent à construire un mythe scientifique, il montre que la version actuelle de la théorie diffusioniste, à travers les travaux de Michael Witzel et de Yuri Berezkin, est basée sur des bases scientifiques plus solide, notamment grâce aux données culturelles et biologiques des migrations humaines, tout en se dépouillant des a priori idéologique de la période coloniale. La démonstration qu’il fait et convaincante et montre bien l’intérêt de ce nouveau modèle théorique qui, comme il le dit au début de cet article, n’est pas la vérité, mais un élément d’explication de la mythogénèse mondiale.

    Épistémologie de notre discipline encore dans «Comparative Mythology Synchronic and Diachronic: Structure and History for Taryo Obayashi and Claude Lévi-Strauss», de Hitoshi Yamada, qui s’attache à comparer l’utilisation du structuralisme par l’ethnologue japonais Taryo Obayashi, dont la méthodologie semble, au premier abord, plutôt historique, avec l’utilisation de la science historique et de la théorie diffusioniste par Claude Lévi-Strauss. L’auteur montre également l’influence de la méthode d’analyse mythologique de Georges Dumézil sur l’œuvre d’Obayashi. Cette étude, nous montre là aussi, l’importance de la confrontation et de l’utilisation de différentes théories et méthodes dans le champs d’étude de la mythologie comparée qui, du fait de la complexité de l’esprit humain et des cultures qui en sont dérivées, ne peut reposer sur une unique théorie unificatrice des mythes.

    Nicholas J. Allen termine les études de ce volume avec «Chronicle and Epic, or the Introductions to the Mahāvaṃsa and the Mahābhārata: Selected Comparisons». L’auteur étudie les schémas narratifs communs existant entre deux textes de natures différentes: le premier est une chronique bouddhiste Sri Lankaise, tandis que le second est une épopée hindou. Les parallèles qu’il dégage suscitent l’adhésion du lecteur. En conclusion, il se pose naturellement la question de l’origine de cette structure : la réponse la plus simple serait une influence de l’épopée sur la chronique oul’inverse. Cependant, l’auteur laisse la porte ouverte à une possible origine proto-indo-européenne de ce type de schéma narratif qu’il serait possible de déceler dans les textes épiques grecs ou la pseudo-histoire romaine. Comme il l’annonce d’emblée, cet article n’est que le début d’une plus longue étude comparative. Dans cette optique, il serait également intéressant d’étudier la structure des textes celtiques insulaires ou scandinaves, épiques ou pseudo-historiques : même si ceux-ci ont été influencé par le christianisme, il se pourrait que de telles similarités puissent être découverte, si l’hypothèse de départ de notre auteur est juste. De même, la tradition littéraire iranienne, encore plus proche du monde indien que la Grèce ou Rome, devrait aussi être prise en considération dans le cadre d’un tel projet.

    Enfin, ce numéro se termine par la notice de nécrologique de Vyacheslav Vsevolodovich Ivanov rédigée par Boris Oguibénine.

    Guillaume Oudaer

     

    1Nous pensons, en particulier, aux travaux de Nick Allen («The King-Priest Quarrel in the Ādiparvan and the Iliad », Journal of Indo-European Studies, 44, p. 422-440, 2017), de Roger Woodard (Myth, Ritual, and the Warrior in Roman and Indo-European Antiquity, Cambridge University Press, 2013ou de Peter Grossardt (Achilleus, Coriolan und ihre Weggefährten, Tubingen, G. Narr, 2009).

    2Claude Sterckx, La Neuvième vague et autres essais sur le légendaire celtique en Bretagne, Marseille, Terre de Promesse, 2019. Le chapitre concernant ce sujet est le premier, intitulé «Lugus et la neuvième vague».