Le mauvais souverain pris sous la glace
Identification d'un mythe, de l'Inde aux Bogomiles
Patrice Lajoye
Abstract : By compiling Slavic, Caucasian, Tatar, Armenian, Iranian and Indian myths or folktales, this article seeks to show the existence of a particular type of mythological narrative, in which a demonic creature sought to seize sovereignty over the world before being defeated by the champion of the opposing camp, who was allowed to cheat, while the demonic creature believed to protect itself by diving into a lake. In several of the versions discussed, the lake is frozen and the demon ends up beheaded.
Keywords : Satanail, Duryodhana, Afrāsīāb, David de Sassoun, Soslan.
Résumé : En compilant des récits slaves, caucasiens, tatars, arméniens, iraniens et indiens, le présent article s’attache à montrer l’existence d’un type particulier de récit mythologique dans lequel une créature démoniaque cherche à s’emparer de la souveraineté sur le monde, avant d’être vaincue par le champion du camp adverse, lequel a été autorisé à tricher, tandis que la créature démoniaque a cru se protéger en plongeant dans un lac. Dans plusieurs des versions abordées, le lac est gelé et le démon finit décapité.
Mots-clés : Satanail, Duryodhana, Afrāsīāb, David de Sassoun, Soslan.
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Commentaires
Merci Monsieur Lajoye pour ces trésors en pistes de recherche passionnantes !
Bien à vous.
Bravo et merci, Patrice, pour ce très beau travail ! J’ajoute un exemple à ta série du « mauvais souverain pris sous la glace ». Il provient de Roumanie et se rapproche à la fois de tes exemples des Rhodopes (Bulgarie) par l’inclusion de saint Pierre, de celui des Gagaouzes (turcophones de Bulgarie) par le partage entre vivants et morts et de celui de Serbie par le rôle de la pie. Le voici : Dieu et le diable font un pacte de division du monde : à Dieu les vivants, au diable les morts. Peu après, le démon mécontent de l’accord, vole le document (MT K231.1 Refus de s’acquitter de sa part d’un accord mutuel). Mais juste avant de plonger sous la mer, il le perd et l’oublie sur la plage. Dieu recouvre la mer de glace et envoie saint Pierre récupérer le parchemin. Il allait s’en saisir quand une pie fit un trou dans la glace avec son bec. Le diable remonte à la surface, mais saint Pierre parvient à s’élancer vers les cieux avec le document. Il est près de la porte du paradis, quand la lance empoisonnée du démon l’atteint à la plante du pied. Dieu ordonne à Pierre de couper cette partie de chair corrompue et de la jeter au loin. Le rôle de la pie est ici original : elle ne se contente pas de crier.
Selon une autre version roumaine minimaliste, le démon, précipité des cieux, essaie d’attraper l’archange saint Michel, mais ne réussit qu’à lui saisir la plante du pied qui en est arrachée (il n’y a ici ni pie ni défi sous-marin). C’est pourquoi les humains ont aussi les pieds cambrés. (Moses Gaster. 1915. Rumanian Bird and Beast Stories. London: Sidgwick & Jackson, Ltd, 381 p., ici p. 216-217).