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NMC - Page 11

  • Tsimafei Avilin - Pamiž nebam i zjamlëj. Etnaastranomija

    Avilin.jpgTsimafei Avilin, Pamiž nebam i zjamlëj. Etnaastranomija, 2015, Minsk, Tèhnalogija.

     

    L’ethnoastronomie est une discipline rare. Elle vise à étudier les conceptions populaires concernant les étoiles, les planètes, les constellations et autres corps célestes. Il ne s’agit pas seulement de collecter leurs noms et d’en faire l’étymologie, mais aussi de rassembler les mythes les concernants – lesquels sont le plus souvent des mythes étiologiques. De nos jours, dans l’ensemble de l’Europe, peu d’articles sont publiés dans ce domaine1. Il y en a encore moins en France. Les folkloristes publient encore de temps en temps des articles2 ; les dialectologues, eux, ont généralement négligé ce sujet3. Un abandon pour le moins curieux lorsque l’on constate la place occupée par le ciel et les étoiles dans les mythologies dites « classiques ».

    La situation est à peine meilleure dans l’ancien espace soviétique, où pourtant les études et enquêtes ethnologiques ont été particulièrement riches. Cependant, depuis quelques années, le chercheur biélorusse Tsimafei Avilin multiplie les articles concernant son propre pays, mais aussi les pays limitrophes. De ce travail, qui se poursuit encore de nos jours, il a tiré une première synthèse avec un ouvrage intitulé Pamiž nebam i zjamlëj. Etnaastranomija : Entre Ciel et Terre. Ethnoastronomie, publié en 2015.

    Il s’agit ni plus ni moins d’un véritable atlas ethno-linguistique, composé de 34 cartes (p. 253-286). Force est de constater que la base de données sur laquelle s’appuie l’auteur est considérablement riche. On connaissait la richesse des enquêtes soviétiques en Polésie, cependant, Tsimafei Avilin couvre bien l’ensemble du territoire national et déborde même sur les pays limitrophes (Pologne, Russie, Ukraine) si nécessaire.

    L’auteur ouvre son ouvrage par un chapitre sur l’astronomie « savante » et sa possible influence sur son homologue populaire, remontant ainsi le temps jusqu’au XIe siècle. La seconde partie, la plus importante, présente le corpus lui-même, avec les différents noms associés aux astres et aux constellations dans la tradition populaire. C’est ici que l’auteur tente une première classification, tout d’abord par dénominations. On apprend par exemple que les Pléiades peuvent s’appeler le Tamis ou le Crible (Sita), les Poussins (Kury) ou encore avoir un nom basé sur sept : Sept Hommes, Sept Vieilles Femmes (Baby), Sept Jeunes Hommes (Mal’caŭ). L’auteur ne néglige pour autant pas les formes isolées telles que Couronne (Korona), Nid (Gnjazdo), Bouquet de Fleurs (Bukem cvjamoŭ), Tas d’Étoiles (Kuča zorak), etc. Ce qui lui permet ensuite de dresser les grandes aires de répartition de ces noms.

    C’est cependant dans la troisième partie que l’auteur s’interroge réellement sur les notions d’astronomie populaire et de folklore, avant de s’intéresser aux météores, puis, dans une dernière partie, aux mythes (ou fragments de mythes) étiologiques proprement dits.

    Les données brutes sont présentées en annexe, classées par type d’astre. L’ensemble est donc non seulement abondamment sourcé, mais il bénéficie aussi d’une belle iconographie, notamment dans un cahier central en couleur.

    Assurément, Pamiž nebam i zjamlëj. Etnaastranomija de Tsimafei Avilin est un livre important, dont l’intérêt dépasse le cadre de la seule Biélorussie.

     

    Patrice Lajoye

    1Citons pour l’exemple un travail récent de nos confrères et amis Yuri Berezkin et Julien d’Huy, « How did the First Humans Perceive he Starry Night? On the Pleiades », The Retrospective Methods Network Newsletter, 12-13, 2017, p. 100-122.

    2Par exemple Jacques E. Merceron, « Sur l’expression le Char saint Martin désignant la Grande Ourse ‘en Normandie’ : de Nicole Oresme aux traditions populaires », Bulletin de la Société Historique de Lisieux, 2019, 87, p. 45-65.

    3Dans l’Atlas linguistique de la France publié par Jules Gilliéron et Edmond Edmont entre 1902 et 1910, on trouve une carte « Étoile » et rien d’autre.

  • Christophe Vielle - Heur et Malheur de Dumézil en Inde

    Heur et Malheur de Dumézil en Inde

     

    Christophe Vielle

     

    Abstract : This article offers a critical assessment of the contribution, for Indology, of the mythological works of Georges Dumézil centered on his comparative theory of the Indo-European “three functions” (which Nick Allen, as a follower, enriched by broadening the perspective). It first emphasizes the importance of his theological exegesis of the Sanskrit epics (Mahābhārata), the relevance of which does not directly rest on an interpretation through the prism of the tripartite ideology. The survival of some clearly trifunctional motifs in the ancient Indian, epic and purāṇic, mytho-heroic traditions is then studied, with, in conclusion, the question of the historical value that can be attributed to them.

    Keywords : Georges Dumézil, Indology, Indo-European comparative mythology, theory of the three functions, Mahābhārata, Purāṇa, mytho-heroic traditions, trifunctional motifs.

    Résumé : Cet article propose une évaluation critique de l’apport, pour l’indianisme, de l’œuvre mythologique de Georges Dumézil centrée sur sa théorie comparative des « trois fonctions » indo-européennes (que Nick Allen, en tant que continuateur, a enrichie en en élargissant la perspective). Il souligne d’abord l’importance de son exégèse théologique de l’épopée sanskrite (Mahābhārata), dont la pertinence ne repose pas directement sur une interprétation au prisme de l’idéologie tripartie. Est ensuite étudiée la survivance de quelques motifs clairement trifonctionnels dans les traditions mytho-héroïques indiennes anciennes, épiques et purāṇiques, avec en conclusion la question de la valeur historique qui peut leur être accordée.

    Mots-clés : Georges Dumézil, indianisme, mythologie comparée indo-européenne, théorie des trois fonctions, Mahābhārata, purāṇa, traditions mytho-héroïques, motifs trifonctionnels.

     

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  • Marcel Meulder - Réponse à Michaël Tonon

    Réponse à Michaël Tonon

     

    Marcel Meulder

     

    Je remercie mon contradicteur pour les exemples de morts trifonctionnelles qu’il m’a fait connaître dans le monde celtique et médiéval notamment, et pour les objections émises à l’encontre de mon hypothèse. Celles-ci, à mon très humble avis, ne me paraissent pas tenir compte de la spécificité du monde grec, par rapport aux autres Indo-Européens (contact avec le Proche-Orient, comme l’a montré M. L. West par exemple). Ces spécificités font que par exemple le poète devenant héros – c’est le cas d’Hésiode – est frappé par une mort violente (ainsi p. 6-8), et non par une punition de première fonction, bien que le poète semble être en relation avec cette fonction – c’est le cas d’Hésiode avec sa Théogonie et son plaidoyer pour la justice, ainsi dans Les Travaux et les Jours. Auteur présumé d’un viol, Hésiode est jeté, mort, par ses meurtriers, dans la mer – et l’on pourrait y voir une allusion à un châtiment de troisième fonction qu’est la noyade. Comme le poète remplit une fonction proche de la première fonction, il me semble normal que les dieux, et notamment Poséidon « le saint patron » du village d’Ascra en Béotie d’où est originaire Hésiode, vengent la mort de leur « protégé », d’autant plus que ce dernier entretient, semble-t-il, bien plus de liens avec Delphes (et Apollon) que son concurrent Homère dans le fameux Certamen (p. 22). Il est évident que reconstituer celui-ci est une œuvre intellectuelle, car il s’agit de réunir ce qui est épars, des membra disiecta d’une « histoire », répartis entre l’origine orchoménienne, Aristophane, Alcidamas, Eratosthène et Plutarque, des auteurs d’époques différentes et aux buts différents. Ainsi pour Eratosthène, il était plus « normal » qu’une femme déshonorée se pende (une tradition féminine bien grecque, comme le soulignait avec cynisme Diogène), au lieu de se noyer.

    Au lieu d’entamer un « certamen » avec mon contradicteur (les sophistes de l’époque de Socrate et Platon eussent dit « des dissoi logoi » !), je préfère laisser aux lecteurs et aux spécialistes (en ces temps troublés, nous sommes si peu nombreux) de forger leur jugement et d’extraire de nos divergences la quintessence pour faire progresser nos sciences humaines et humanistes.

    Je remercie mon contradicteur, car dans les 38 pages que j’ai consacrées à cet aspect du Certamen, j’eusse dû mettre plus en valeur la façon dont les Grecs ont retravaillé leur héritage indo-européen : j’en tire comme conclusion que toute recherche est imparfaite, et c’est heureux pour les progrès de l’humanité.