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(Review) Simon Young – The Boggart. Folklore, History, Place-names and Dialect

Boggart.jpgSimon Young, The Boggart. Folklore, History, Place-names and Dialect, 2022, Exeter, University of Exeter Press.

Le but de cet ouvrage, selon sa préface, est de reconstituer les traditions concernant les boggarts du milieu du XIXsiècle jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Mais au fait, qu’est-ce qu’un boggart ? La réponse à cette question préliminaire est l’objet du premier chapitre de cette monographie entièrement consacrée aux croyances entourant cette créature du folklore anglais. Dans celui-ci, Simon Young esquisse ce que devait être un boggart à l’époque étudiée. À partir de l’analyse des différentes définitions proposées de ce terme dans les glossaires et les enquêtes linguistiques des zones où il est attesté, il en déduit que boggart est un terme assez générique pour désigner une apparition terrifiante et solitaire de nature très diverse – fantôme, change-forme, démon, esprit domestique, etc. De manière intéressante, l’auteur montre que cette dernière nature du boggart a pris graduellement le pas sur les autres, jusqu’à ce que le terme serve à nommer une sorte d’esprit maléfique du foyer avec une certaine tendance à jouer les poltergeists. Simon Young en profite pour dresser l’historiographie complète des études sur cette créature et les différentes sources qu’il utilise : publications éphémères, comme les journaux – qui, heureusement, pour les folkloristes et les mythologues sont massivement numérisés de nos jours –, onomastique et témoignages de personnes ayant eu des parents ou des grands-parents qui furent enfants durant la période étudiée.

Une fois la définition de l’objet de cette enquête folklorique donnée, l’auteur se lance alors dans la quête des origines du boggart. Il s’agit, tout d’abord, de celle de son étymologie, qui s’ouvre sur une présentation des différentes études et théories sur le sujet. Il en déduit que boggart est une évolution du moyen anglais bugge «goblin, épouvantail, croquemitaine», provenant sans doute d’une racine germanique, même si une éventuelle racine celtique est toujours possible. Suit alors une étude des premières attestations du terme boggart, à partir de laquelle Simon Young en conclu que ce mot est bien attesté dans la culture orale au moment où il apparaît à l’écrit et qu’il est associé à la zone liée à cette créature au cours de la période principale d’étude. De plus, certaines caractéristiques du boggart, comme le fait qu’il effraie les chevaux et qu’il sert de croquemitaine sont déjà attestées.

Le chapitre suivant se penche sur la distribution du terme boggart, au XIXe et XXsiècles, dans ses occurrences toponymiques. Il en ressort qu’elles sont centrées sur le nord-ouest de l’Angleterre, en particulier le Lancashire. Il passe ensuite à l’étude des boggarts désignés par un nom propre, dont la zone en question se retrouve resserrée sur le comté susnommé. l’auteur explique cela par un biais informatif ou par des pratiques linguistiques différentes concernant les créatures surnaturelles. Des conclusions similaires sont tirées des enquêtes dialectales et certains documents concernant l’occurrence du terme «boggart», en dehors de l’aire de répartition dégagée, permettent à l’auteur d’affiner encore la localisation de ces croyances folkloriques. Ce chapitre se termine sur la mise en perspective du terme «boggart» avec deux autres désignations de créatures équivalentes du nord-ouest de l’Angleterre: boggle et dobbie. Il en conclut qu’il s’agit de variantes régionales de la même créature.

Le quatrième chapitre se penche sur les lieux réputés associés aux boggarts. Il apparaît que ceux-ci se trouvent en périphérie des communautés étudiées et à des points stratégiques (jonctions, limites, ponts, rivières). Les maisons et les routes hantées par des boggarts se trouvent également en périphérie ou dans la campagne. L’expansion urbaine de l’époque victorienne aidant, certains de ces lieux se retrouvent en territoire urbanisé et sont détruits ou rebaptisés. Les Boggarts Holes forment une autre catégorie de lieux (mine, dépressions, vallon, carrière, etc.) où ces êtres sont plus une présence terrifiante diffuse que l’objet d’un récit. L’auteur compare également ces lieux à ceux traditionnellement associés aux êtres féeriques dans la région étudiée. Il en conclut que ces lieux sont totalement différents : ils sont en hauteur, associés à des rochers ou à des points d’eau, mais, surtout, ils sont loin d’une présence humaine. De plus, le monde des fées est une société parallèle à la nôtre, tandis que les boggarts vivent dans notre ombre.

Le chapitre suivant est un panorama de ce folklore et de sa transmission dans les communautés du Northwest – qui montre bien que ce folklore n’est pas seulement rural, mais aussi urbain. Après une étude sociologique des personnes pouvant croire ou non en ces créatures, l’auteur évoque les vues des contemporains de la reine Victoria sur le « désenchantement du monde », dont la mise en parallèle de l’arrivée du chemin de fer – symbole de la Révolution industrielle triomphante – et le départ des boggarts. Il passe ensuite en revue le statut des personnes perpétuant cette tradition par leurs histoires, qu’ils soient conteurs semi-professionnels, ancien d’une famille se réunissant à la veillée, clients de pubs, membre d’un club ou collègues de travail. Ensuite, il présente les différents supports écrits concernant ce folklore : poèmes, pièces de théâtre, articles de journaux, etc.

Dans le chapitre six, il étudie ce qu’il appelle les « Social Boggarts », c’est-à-dire lorsque le surnaturel entraîne une réaction, parfois violente, de la communauté : paniques, rassemblements, chasses, canulars, etc. Une mention spéciale est à faire au niveau de la relation entre les enfants et les boggarts, qui montre une survivance de ces croyances jusqu’au milieu du XXsiècle.

Ensuite, Simon Young passe à l’évolution de ce folklore, de l’effacement progressif des boggarts à leur renaissance transformée, au cours du XXsiècle, en particulier à travers l’aspect linguistique de cette croyance. Il explique ainsi les différents types de connaissances vestigiales sur ce sujet, entre ceux utilisant le terme, ceux ayant des connaissances sur les traditions associées ou ceux qui n’en ont aucune. Il montre ainsi que la survie du folklore des boggarts est davantage rurale qu’urbaine, à une exception près, celle de Boggart Hole Clough, un parc de Manchester qui concentre ce folklore au niveau de cette ville. Cette étude de cas montre bien le passage entre l’époque victorienne, où le boggart éponyme hante une ferme, et celui des années 2020, où il s’agit d’une tribu de boggarts – quelque chose d’inconcevable dans le folklore ancien du boggart. Il remarque aussi que, du fait, que boggart était un terme générique pour désigner différentes présences surnaturelles terrifiantes et métamorphes, la perte de ce vocable a entraîné des définitions plus spécifiques, tout en faisant perdre au terme originel sa signification terrifiante avec la perte de son sens.

Le dernier chapitre, « The new Boggart » s’attache aux nouvelles traditions concernant ces créatures, celles d’un esprit gobelin ou féerique, équivalent à un esprit du foyer maléfique, et comment elles ont émergé à partir de certaines fictions du XIXsiècle et de l’incapacité des folkloristes de cette époque à transmettre, en dehors de leur milieu local, une image authentique du boggart. Cette analyse s’achève sur l’utilisation des boggarts dans les œuvres de fictions, du début du XXsiècle jusqu’à Harry Potter, dont la représentation du boggart est, paradoxalement, plus proche de celle du folklore victorien.

Enfin, cette monographie s’achève par plus de cinquante pages de bibliographie de sources primaires ou secondaires et un glossaire des différents sens du mot boggart et des locutions associées, telles qu’elles étaient utilisées au XIXe-XXe siècle.

La première chose à dire de ce livre, c’est le sérieux de son auteur qui justifie toujours sa méthodologie exemplaire de manière pertinente. Cela devrait être une évidence dans toutes les recherches sur le folklore des êtres surnaturels. En outre, il met un point d’honneur à nous renseigner sur les éléments biographiques importants de ses sources majeures, ce qui ravira les amateurs d’histoire, tout en remettant dans leur contexte les informations qu’il utilise. De plus, la qualité documentaire (cartes, photos, gravures, etc.) est ici au rendez-vous. Une telle somme de travail est impressionnante et cela nous amène à la réflexion suivante : il faudrait plus d’études de cette qualité sur le sujet des créatures du folklore, quelle que soit la région concernée. Nous espérons lire à l’avenir davantage d’ouvrages de ce type.

 

Guillaume Oudaer

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