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  • (Review) Bruce Lincoln - Politique du paradis. Religion et empire en Perse achéménide

    9782830915709.jpgBruce Lincoln, Politique du paradis. Religion et empire en Perse achéménide (Édition préparée par Daniel Barbu et Nicolas Meylan ; édition originale anglaise [États-Unis]: « The Paris Lectures 1-4 + appendix to chapter 4 », dans Happiness for Mankind. Achaemenian Reli­gion and the Imperial Project, Peeters, Leuven, 2012), Labor et fides, Genève, 2015, 143 p.

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    Dans cet ouvrage bref, clair et net, lʼauteur, en se basant surtout sur les interprétations de Jean Kellens, de Clarisse Herrenschmidt ou de Pierre Briant, passe en revue le vocabulaire reli­gieux des inscriptions achéménides pouvant avoir des implications politiques[1]. Voici, en trans­littération brute (italique) et en transcription interprétative (en gras), la liste des mots avec leurs correspondants avesti­ques ou védiques (Bruce Lincoln ne donnant guère souvent ces derniers): a-ga-ra-i-y‑ (āgariya-, cf. avestique aibi.gairiia[2] et védique abhigará‑) ; a-ra-i-ka‑ (arika-, cf. védique ári‑) ; a-ra-ta‑ (r̥ta- = avestique aṣ̌a‑, védique r̥tá‑) ; √ kar et √ (= av. √ kar et √ , véd. KR̥ et DHĀ) ; √ θanh (= av. √ saŋh, véd. ŚAṀS) ; du-u-š-i-y-a-ra‑ (dužyāra-, cf. av. dužiiāiriiā‑) ; da-ra-u-ga‑ (drauga- = av. draōga‑, véd. drógha‑ ; cf. av. druj‑, véd. drúh‑) ; da-ra-u-ja-na‑ (draujana- = av. draōjina‑, cf. av. drәguuaṇt‑/druuaṇt‑ et véd. drúhvan‑) ; √ druj (= av. √ druj, véd. DRUH) ; ˟p-ra-i-y-da-i-da-a‑ (˟paridaidā- = av. pairi.daēzā[3]) ; f-ra‑ (fraxša- = av. fraša‑, cf. véd. pr̥kṣá‑) ; b-u-mi-i‑ (būmī- = av. būmī‑, véd. bhū́mi‑/bhū́mī‑) ; z-u-ra-ka-ra- (zūrakara-, cf. av. zūrō et véd. húraḥ) ; š-i-y-a-ta-i‑ (šyāti- = av. š́āiti‑, latin quiēs) ; ha-i-na-a‑ (hainā- = av. haēnā‑, véd. sénā‑) ; ha-š-i-y‑ (hašya- = av. haiθiia‑, véd. satyá‑).

    L’aut­eur n’a pas examiné le mot x-š-ç- (xšaça- = av. xšaθra-, véd. kṣatrá-), qui dé­signe l’emprise que le roi parvient à exercer sur les dieux grâce au culte. Son examen eût été utile d’autant que ce mot a fini comme nom de l’empire (*aryānām xšaθra- > pehlevi ērān-šahr « royaume des Iraniens ») ou de la ville (turc şehir), que le nom du satrape, xšaça+pāvan- « protecteur du xšaça » le contient et que sa racine se retrouve dans le curieux terme x-š-a-y-θ-i-y- (xšāyaθya-) employé pour « roi », bien différent de ceux que l’on peut trouver dans les autres langues de la même famille (av. ahura- ou daŋ́hu.paiti-, véd. rā́jan- ou ásura-) et porteur donc d’une charge idéologique spécifique au monde achéménide. L’impôt ou le tribut tenant da­vantage des honoraires sacerdotaux, le satrape qui les récolte est à concevoir comme le pro­tecteur de l’influence que le grand roi exerce sur la divinité en faveur de ses sujets. Ceux qui refusent de s’acquitter de tels honoraires et ne donnent rien au grand roi sont des félons dont la qualité d’impies justifie les châtiments. Ceci explique le nom qui leur est donné : arika- « sans richesse, qui ne donne rien », le dérivé en +ka- du composé de a+, le préfixe négatif, et de +ri-, la forme composi­tion­nelle de rayi- « le bien, la richesse, le don ».

    Politique du paradis est un manuel de bonne compréhension de ce vocabulaire, mais, faut-il souligner, lʼinformation de lʼauteur date de lʼépoque de ses leçons données au Collège de France à lʼinvitation de Jean Kellens, il y a près de quinze ans. Malgré les années écoulées depuis sa rédaction, l’ouvrage enfin traduit en français n’est guère dépassé. Ses lacunes sont davantage d’ordre philologique ou linguistique que sémantique. Comme l’objectif de Bruce Lincoln se situait clairement sur le plan de la portée des mots plutôt que sur celui de leur étymologie ou du stricto sensu, il peut être considéré que ses leçons gardent toute leur vigueur.

    De cet examen du vocabulaire, il se dégage un portrait du roi des rois qui coïncide assez avec celui que j’ai déduit de l’étude de l’onomastique : par le nom d’intronisation qu’ils prennent, des citations des textes les plus anciens, les Darius et Artaxerxès s’affichent comme des Saō­šiiaṇt, ces héros eschatologiques qui, selon l’Avesta ou les livres pehlevis, parachèveront le monde, le libéreront des forces délétères et l’affranchiront des contingences du temps linéaire fini. Comme ce statut du grand roi fait de lui un héritier de Zaraθuštra, nous pouvons avancer que l’absence de mention de ce dernier dans les inscriptions achéménides[4] va de soi, se justifie logiquement : Darius est Zaraθuštra. Le grand roi, pour être aussi le grand prêtre, a la parole et a la charge de tout définir (√ θanh). Le grand roi se donne la mission, avec l’aide d’Ahura Mazdā, de conduire l’empire perse et de faire connaître à ses citoyens le bonheur paradisiaque (šyāti-).

    Si, pour moi, le zoroastrisme des Achéménides ne fait aucun doute, les divergences lexicales et stylistiques que leurs inscriptions, notamment celle de Darius le Grand à Bīsotūn, présentent par rapport à l’Avesta qui est arrivé entre nos mains témoignent pourtant d’une tradition zoroastrienne distincte, mais il est vrai que nous pourrions en dire autant des propos du mage Kirdīr des premiers temps de l’époque sassanide. Bruce Lincoln, à juste titre, fait remarquer que cette question classique de savoir si les Achéménides étaient ou non zoroastriens ne peut trouver de réponse négative qu’en imposant à la catégorie « zoroastrisme » une définition exagérément restrictive. Parler d’un mazdéisme non zoroastrien relève du fantasme ou de la gratuité tant qu’aucun document n’exprime explicitement que certains mazdéens auraient observé les recommandations d’un sage ou d’un docteur distinct de Zaraθuštra et opposé à lui. Cependant, dans le cas des Scythes vivant au nord de la mer Noire, nous ne pouvons l’exclure.

    De toute façon, la question, à mon avis, est à poser aussi de savoir si, avant Darius le Grand, les Perses étaient déjà mazdéens zoroastriens dès lors que les Cyrus portaient un nom faisant d’eux des Indiens. En effet, il faut douter de leur appartenance au clan des Achéménides et envisager que Darius qui, rappelons-le, fut un usurpateur les eût intégrés artificiellement et a posteriori à sa propre famille. Les Cyrus, avec leur nom de Kuru, pouvaient difficilement être des mazdéens zoroastriens si bien d’autres Kuru nous sont connus par le Véda ou l’épopée indienne et furent rois sur la plaine indo-gangétique avec l’aide d’Indra. Le mazdéisme zoroastrien peut parfaitement avoir cohabité avec une tradition de type védique : tandis que les Mèdes devaient déjà ou depuis toujours être des mazdéens zoroastriens, les Perses qui les avaient remplacés aux commandes de l’empire, dans un premier temps, n’avaient peut-être pas encore adopté cette même obédience religieuse.

     

    Quatre remarques marginales

    1. Le paradis nommé dans le second paragraphe de l’inscription A2Sd. Comme le signale Bruce Lincoln, le jardin auquel l’emprunt grec παράδεισος fait référence, le séjour des âmes des pieux défunts, ne porte pas ce nom dans la littérature zoroastrienne, mais je ne puis exclure que l’attestation de ce nom dans une inscription d’Artaxerxès II fasse allusion à l’Eden zoroastrien. La date d’Artaxerxès II justifie que la langue et l’écriture ne fussent plus maîtrisées comme à l’époque de Darius le Grand ou de Xerxès Ier. Ceci nous autorise à proposer la correction de p-ra-da-y-da-a-ma: en ˟p-ra-i-y-da-i-da-a-ma:. Selon ma compréhension de la phrase, le mot, de genre féminin contre celui de l’emprunt grec, ferait l’objet du verbe a-ku-u-na-va-a-ma: (fautif pour ˟a-ku-u-na-va-ma:), serait annoncé avec le démonstratif i-ma-a-ma: et serait déterminé par un complément au génitif, ha-di-i-š:, lequel est accompagné d’une subor­donnée relative épithè­te, ta-y: ji-va-di-i-y:, de sens inconnu :

    θ-a-ta-i-y: a-ra-ta-x-š-ç-ā: x-š-a-y-θ-i-y: va-š-na-a: a-u-ra-ma-z-da-a-ha: i-ma-a-ma: ha-di-i-š: ta-y: ji-va-di-i-y: ˟p-ra-i-y-da-i-da-a-ma: a-da-ma: ˟a-ku-u-na-va-ma: (θanhati r̥ta+xšaçā[5] xšāyaθyah vašnā ahura+mazdāhah[6] imām hadišah ta+yat ... ˟pari+daidām adam ˟aku­navam) « Le roi Artaxerxès établit ceci : Par la volonté d’Ahura Mazdā, moi j’ai fait cette pari+daidā du hadiš qui ... »

    Comme le mot hadiš-, au lieu d’un palais, selon mes investigations, désigne un ensemble de bâtiments annexes destinés à la conservation de réserves alimentaires, il n’est pas exclu que pari+daidā- fasse allusion à un vaste jardin vu tout à la fois comme une réserve de chasse et comme un verger ou un potager. En effet, l’idéologie royale donnait au grand roi la charge d’assurer avec l’aide des dieux le bien-être de ses sujets, de veiller à leur alimentation, de gérer les ressources en eau et de faire creuser les canaux d’irrigation.

    2. Certains textes pehlevis, surtout s’ils ne dérivent pas de traductions anciennes de l’Avesta ou s’ils ne remontent pas au-delà de la renaissance zoroastrienne des environs du neuvième siècle de notre ère, ne sont pas toujours de bonne qualité. Parmi les textes dont nous devons nous méfier, il y a notamment le paragraphe 3.7 du Grand Bundahišn dont Bruce Lincoln a malencontreusement voulu tirer parti (p. 36-7) :

    ciyōn ohrmazd mayān harv šaš amәṣ̌-spәṇd dām ī xvēš passāxt dahišn-iz ī mańiiaōi ud gaēiθi[īh] pad ham-ēvēnag dād <ud> ciyōn mańiiaōi ohrmazd ud šaš amәṣ̌-spәṇd <ī> vohu.man <ud> әrәt-vahišt <ud> xšaθ-vair <ud> spәṇd-ārmat <ud> haur-dāt <ud> amәr-dāt ēdōn-iz asmān <ud> šaš pāyag ī nazdist abr pāyag <ud> dudīgar θβāṣ̌ ī axtarān <ud> sidīgar star ī a-gumēzišn[īh] <ud> cahārom vahišt <> māh pad ān pāyag ested <ud> panjom garō.nmān anaγr [ī] rōšn xvānīhed <ud> xvaršēd pad ān pāyag ested <ud> šašom gāθ ī amәṣ̌-spәṇdān <ud> haftom asar-rōšn[īh] gāθ ī

  • Nick Allen and Roger D. Woodard - Hermes and Gandharvas

    Hermes and Gandharvas

     

    Nick Allen* and Roger D. Woodard**

     

    *Oxford, **Buffalo

     

     

    NB: Les caractères grecs et les signes diacritiques étant mal gérés par notre plate-forme, nous prions nos lecteurs de bien vouloir consulter cet article en téléchargeant la version pdf.

     

    Abstract: The dossier of the Greek god Hermes is compared with that of the Indian demigods called Gandharvas (who sometimes appear as a singular being). In both regions much cultural material bypasses the oldest sources to surface in later ones, so that in India the comparison can draw on the epics no less than the Vedas. The points of comparison are organised into five themes that link Hermes with Gandharvas in general, and twelve themes that link him with individual Gandharvas (or associated figures) – Viśvāvasu, Citrasena and Citraratha, Purūravas, Nārada, Dhṛtarāṣṭra, and Kubera. In the light of the comparisons it is proposed that the Greek and Sanskrit figures derive from an early Indo-European common origin, which itself was rooted in the Dumézilian third function.

    Keywords: Greek mythology; Sanskrit mythology; Indo-European cultural comparison; Pan; Kubera; herms; invention of the lyre; Dumézil’s third function

    Résumé: Le dossier du dieu grec Hermès est comparé avec celui de demi-dieux indiens nommés Gandharvas (qui parfois apparaissent au singulier). Dans les deux domaines, bien des matériaux culturels, négligés des sources les plus anciennes, ont fait surface dans les plus récentes, ce qui oblige a appuyer la comparaison plus sur les épopées que sur les Védas. Les points de comparaison sont organisés selon cinq thèmes liant Hermès aux Gandharvas en général, et douze thèmes qui le lient avec des Gandharvas individuels (ou à des figures associées) : Viśvāvasu, Citrasena and Citraratha, Purūravas, Nārada, Dhṛtarāṣṭra, et Kubera. A la lumière de ces comparaisons, nous proposons que les figures grecques et sanscrites soient issues d'une origine indo-européenne commune en rapport avec la troisième fonction dumézilienne..

    Mots clés : Mythologie grecque, mythologie sanscrite, comparaison culturelle indo-européenne, Pan, Kubera, hermès, invention de la lyre, troisième fonction dumézilienne

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    Cité par / quoted by:

    Arlene Allan, Hermes, 2018, Londres, Routledge.

    Patrice Lajoye, « Note on an old Iranian myth present in the Russian hagiographic folklore of St. Fedor Tirin and the myth of Kǝrǝsāspa », Journal of Indo-European Studies,44, 1-2, 2016, p. 119-128.

    L. Kulikov, « The Κένταυρος Controversy Revisited: An Old Etymological Puzzle in a Comparative-Mythological Perspective », in Georgios K. Giannakis, Luz Conti, Jesús de la Villa and Raquel Fornieles, Synchrony and Diachrony of Ancient Greek, 2021, De Gruyter.

     

    Comparative mythology can employ a variety of methods, singly or in combination, but no doubt one of the most cogent is the comparison of narratives. Maximally simplified, and pruned of all its normal complexities (locality, timing, agents, narrator, tropes…), a narrative consists of a sequence of events. So to compare two narratives is like comparing structure a-b-c-d-e with structure A-B-C-D-E. Rapprochements are sought between events a and A, b and B, etc., but also between relations, whether sequential (as a-b and A-B) or non-sequential (a-d and A-D). The cogency of the comparison turns on the number, quality and variety of the rapprochements (cf. Allen 2010).

     

    Allen Fig 1.JPG

    Figure 1. Model of the comparison of two narratives.

    The circles represent events or episodes while the vertical lines

    represent individual rapprochements.

     

    The present paper draws on a number of narratives, but it does not study them as wholes. Instead it extracts from them particular motifs or facts in order to compare two dossiers (collections of facts about agents). Relationships may exist between these facts but the analyst who looks for them must do so without the helpful lineality and finiteness of a narrative. It is as if a…e and A…E are jumbled together in their respective dossiers, which offer no obvious starting point, end-point, articulation or boundaries. A dossier can hardly aspire to completeness, since this would imply inclusion of the agent’s associates and associations – a domain of potentially indefinite extent. Moreover, to assess the significance of any individual rapprochement (say b-B), and hence the cogency of the whole comparison, is harder when each entity is drawn from its own amorphous cloud-like mass than when each has its place within an organized whole. Finally, the comparativist cannot expect that in practice each agent will have one and only one parallel in the other tradition. On the contrary, agent p in one tradition may resemble, not only agent P in the other, but also Q and R, while P may resemble not only p but also agents s and t – and not resemble q or r. One-to-one correspondence between dossiers, as in Figure 2, is probably the exception rather than the rule. To base a comparative article on dossiers rather than on narratives is therefore to take on a harder challenge. But although we are aware of the methodological difficulties, we hope that the method gives persuasive results in this case1.

     

    Allen Fig 2.JPG

    Figure 2. Model of the comparison of two dossiers

    To think about the delimitation of dossiers is to raise the question of the dates at which facts are attested. Both Indologists and classicists are well aware that their earliest sources do not present a full picture of the cultures in which their texts reached their current form, but they almost inevitably think in terms of pre-classical leading on to classical. Cultural comparativists (more so than their specialist linguistic colleagues) are at ease with a different model: Indo-European heritage contributes to the early sources but also bypasses them, so as to surface in later ones (Figure 3)2. This second model makes it legitimate to combine classical and preclassical in each of our two dossiers. Thus although the composition of the Vedic hymns is often dated to a millennium earlier than the Mahābhārata, much of our material on the Gandharvas comes from the latter. Similarly, we suppose that some traditions about Hermes bypassed the earlier sources (including the ‘Homeric’ Hymn to that god).

     

    Allen Fig 3.JPG

    Figure 3. Model of the field of study of this paper.

    The bold arrows emphasize the bypass, but are not intended to have quantitative implications.

     

    The Gandharvas are one among the many categories of supernatural beings recognized in the Indian religious tradition. They are usually situated in the middle ranks of the spiritual world, being seen less as gods or demons than as demigods. They are conceptually particularly close to groups of indefinitely numerous spirits such as Yakṣas or Kiṃnaras, with whom their dossier tends to overlap. They are best known as celestial musicians who sing to the lyre (gāndharva means ‘music’), and are often associated with Apsarases (‘nymphs’), who are celestial dancers.

    The Rig Veda stands somewhat apart, since it does not link Gandharvas with music and usually speaks not of a group but of an individual. Since the Avesta too recognizes only a single Gandarǝβa, it is often thought that the pluralization is historically secondary. At first sight this view would favour our comparison with the single figure of Hermes, but we leave the issue undecided.

    A dossier on Vedic Gandharvas is provided by Macdonell (1981:136-8, under ‘Lower Deities’), and one on epic Gandharvas by Hopkins (1986:152-9, under ‘Hosts of Spirits’)3. Monier Williams (1974) has a good summary. Somewhat arbitrarily, we have not used sources later than the epic. Hermes being much more widely known, the literature on him is copious, but it is readily accessible via handbooks and encyclopaedias (e.g. Burkert 1985:156-9, Jost 2012). Naturally we shall draw heavily on the Homeric Hymn to Hermes (hereafter HH Hermes)4, as well as referring to specialized studies.

    Earlier comparativists often linked Gandharvas with Centaurs, relying fairly heavily on the similarity of the names. The linkage is best represented by Dumézil (1929), which brings together within a common-origin framework four main dossiers: Central European carnivals, the cognate Iranian and Indian mythic beings, Centaurs, and the complex surrounding the Latin word februum. Nowadays the etymological link between Gandharva and Centaur is rejected by specialists, and Dumézil himself came to disparage his 1929 book, along with most of what he wrote before his breakthrough recognition of trifunctionalism in 1939. Moreover, Keith (1937:39) argued that the similarities between the two types of supernatural were ‘wholly overstated by Hopkins (157f)’. In particular, epic Gandharvas are never presented with the mixed horse-man form so characteristic of Centaurs. Similarly, Panchamukhi (1951:49) writes:

    ‘The Gandharvas as a class are not known to possess a horse-head either from the literature or sculptures, though in lexicons, the word conveys among several other meanings, the sense of a horse. It is only the Kinnara that is definitely described with horse features.’

     

    Even so, Doniger and Smith (1991:7n37) still systematically translate Gandharva as ‘Centaur’, and the dossier of the individual Centaur Chiron presents several interesting comparisons with Gandharvas (Vielle 1996:134-6, Sterckx 2002:34-5; more detail in Vielle 2005).

    Comparativists have naturally made other suggestions about both our comparands. By way of illustration, with no claim to completeness, here are a few examples. Referring to his long-standing belief in an original connection between Rudra-Śiva and Dionysus, Schroeder (1908:19) says that the thiasos or cult-group of the latter, viz. the Satyrs, Sileni and Nymphs, have in India ‘their closest and most immediate relatives in the host of Gandharvas and Apsarases.’ Following a suggestion by Oldenberg (1993:170n352), Oberlies (2000:380) argues for a Pūṣan–Hermes comparison (his title relates to the concluding sentences of his paper). Hocart (1970:16-22) ventured a brief Agni–Hermes comparison, and van Berg (2002), while justly criticizing Hocart’s attempt, has pursued the same idea5. However, it seems that the Gandharva–Hermes comparison has not previously been seriously envisaged. We shall focus first on the Gandharvas as a category, then on some of its individual members or near-members.

     

    Gandharvas in general

     

    1. Main Wife

    In many contexts Arjuna, the central hero of the Mahābhārata, is cognate with Odysseus, the central hero of the Odyssey, and the same applies to their respective wives, Draupadī and Penelope. Both heroes marry or have sex with other females, but these two are their main wives. Draupadī’s marriage is polyandrous – she marries all five Pāṇḍava brothers; but it was Arjuna’s archery that made the union possible. Draupadī is totally faithful to the brothers, but her virtue is several times tested.

    The relevant instance occurs during the thirteenth year of the Pāṇḍavas’ exile, which they spend in disguise in the realm o

  • (Review) Krešimir Vuković - Wolves of Rome

    Vukovic.jpgKrešimir Vuković, Wolves of Rome. The Lupercalia from Roman and Comparative Perspectives (Transregional Practices of Power, 2), Berlin-Boston, Walter de Gruyter, 2023, 320 pages, 5 figures, bibliographie, index, in 8°.

     

    Cet ouvrage, consacré aux Lupercales, aborde une quantité de sujets qu’on ne se serait pas attendu à trouver dans un travail de dimension somme toute réduite, et en rend la lecture stimulante bien au-delà de la question de la fête romaine à laquelle il s’attache. Déjà, ce qui était sans doute attendu et nécessaire, l’auteur, notant à juste titre que la célébrité de la fête de la mi-février risque de faire perdre de vue le fait que nous ne disposons, dans toute la littérature antique, de descriptions du rituel que pour trois occasions – les Lupercales de 44 av. J.-C. où Antoine proposa de couronner César d’un diadème, les éléments de son déroulement donnés par Plutarque et la lettre du pape Gélase qui s’emportait sur ce dernier reste du paganisme passe méticuleusement en revue ces témoignages. Ce qui nous vaut par exemple une étude approfondie de ce qui s’est passé en 44, à partir de ce qui nous en a été raconté et dans les variations successives du récit, avec comme réponse à la vexata quaestio du sens de l’événement que César aurait organisé tant la proposition de remise par Antoine de ce signe de la royauté que son refus. On le voit par cette analyse, l’auteur a le souci de replacer ce qui nous a été transmis sur ces festivités dans son contexte historique précis, et de ne pas plaquer l’image d’un rituel intemporel, qui n’aurait varié ni dans ses formes, ni dans sa portée, comme on en aurait trop souvent l’impression en lisant ce qui en est dit dans des ouvrages sur la religion romaine. Sur la discussion récurrente sur le sens de l’adjectif nudus appliqué à l’accoutrement des luperques, non seulement K. Vuković rappelle après d’autres que le terme ne s’appliquait pas nécessairement à une nudité complète, mais que la tenue a dû évoluer entre une nudité intégrale et le port d’un sous-vêtement, comme le montrent les témoignages figurés dont il fait état et qui sont rarement pris en considération. Plus important encore, il souligne l’évolution du rituel au cours de la période impériale, illustrée par ce qu’en dit Gélase, avec une accentuation de la brutalité du traitement infligé aux jeunes femmes et une dégradation de l’aspect social de la cérémonie, les chevaliers laissant place à des acteurs et la fête devenant un simple carnaval lié à l’idée de fécondité féminine. Cette perspective diachronique est importante, et mérite d’être soulignée. Bien sûr elle devient plus difficile à manier s’agissant de périodes plus hautes, pour lesquelles nous ne disposons pas de documentation claire, et sommes donc réduits aux hypothèses : ainsi pour l’idée que les Lupercales auraient subi une inflexion majeure en 304 av. J.-C., lorsque le censeur Q. Fabius Maximus Rullianus les aurait fait passer d’une festivité gentilice à une gestion par la res publica, parallèlement à ce qu’il avait fait (et est attesté) pour la transvectio equitum, réalisant pour cette cérémonie ce que son adversaire politique Appius Claudius avait fait pour le culte de l’Ara Maxima.

    Mais l’étude de K. Vuković va bien au-delà de ce qu’on peut dire de la fête dans la Rome républicaine et impériale. Il nous propose une interprétation nouvelle de son sens originel, pour laquelle il fait appel aux ressources du comparatisme – ce qui nous vaut des pages sur la valeur persistante de ce type de démarche, y compris dans le cas spécifique du comparatisme indo-européen dans lequel il inscrit sa démarche. Assurément il a conscience des dérives auxquelles la référence indo-européenne a donné lieu et il consacre une partie de son travail à la question – dans des pages où, en dehors de données déjà bien connues et commentées (mais avec une position nuancée, qu’on appréciera, sur la personnalité de Georges Dumézil), le lecteur français apprendra au moins le rôle de représentants de l’administration coloniale en Inde dans la reconnaissance de l’apparentement entre le sanscrit et le grec et le latin. Par ailleurs, les vues de l’auteur sur les Indo-Européens restent classiques, avec l’hypothèse d’une expansion à partir de la zone au nord de la mer Noire, permise par la domestication du cheval et qui aurait été assez rapide (et cela sans qu’il se sente obligé, ce qu’on ne lui reprochera pas, de discuter des vues, effectivement discutables, comme celles de C. Renfrew sur une diffusion liée à l’avancée de l’agriculture, de J.-P. Demoule sur une formation des langues indo-européennes par des phénomènes de contact, voire celles de J. Haudry sur une origine nordique).

    Dans ses vues, les Lupercales jouent un rôle très important. Elles représenteraient la prolongation à Rome de formes d’initiation de bandes de jeunes guerriers occupant une position marginale vis-à-vis du groupe humain, bandes pour lequel il préfère ne plus utiliser le terme de Männerbund, à ses yeux trop marqué idéologiquement, et dont il met en relief les aspects tout à la fois militaires, sexuels et sociaux. Beaucoup est à retenir de ses remarques souvent très pointues et on appréciera en particulier son analyse de la figure du dieu Faunus, dans sa polarité avec Jupiter appuyée par la mise en regard des traits opposant le luperque et le flamen Dialis. K. Vuković nous fait vraiment progresser dans notre compréhension de cette figure du panthéon romain, qu’il fait à juste titre remonter à un passé indo-européen (susceptible d’éclairer jusque des aspects de l’Indien Śiva), mais dont on peut remarquer qu’elle n’avait guère retenu l’attention de G. Dumézil qui ne lui consacra que des pages rapides dans sa Religion romaine archaïque, sans vraiment relever ce en quoi ce dieu de l’extérieur pouvait enrichir sa propre vision de l’« idéologie indo-européenne », qui est toujours restée avant tout centrée sur la seule question des trois fonctions.

    Mais K. Vuković se garde d’opposer ce qui serait le monde des luperques, et de Faunus, et celui de Jupiter (et de ses associés dans la triade, ou de leur pendante féminine Junon) comme représentant l’état de nature par rapport à la culture. Par rapport à la vision qu’on peut qualifier de classique des représentations indo-européennes, il nous invite en effet à aller beaucoup plus loin. Se fondant sur les vues de Philippe Descola (Par-delà nature et culture, Paris, 2005, qu’il utilise dans sa version anglaise Nature and Culture, Chicago-Londres, 2013), il estime que les luperques, ces « loups de Rome », renvoient à un stade où nature et culture ne s’opposaient pas et où l’humanité n’était pas radicalement séparée de l’animalité, le human du non-human. D’ailleurs, réagissant contre une vision simpliste du loup, l’auteur rappelle le caractère social de cet animal, qui est tout à la fois le cas échéant ennemi de l’homme mais également son semblable et son modèle – surtout dans un état non sédentaire qui était celui des Indo-Européens primitifs et où il faut se représenter des bandes mobiles analogues à celles des loups (ce dont témoignerait encore le nom, référé au loup, de peuples comme les Hirpins – mais dont il fut tenir à part, au moins au départ, les Lucaniens, qui étaient des « brillants », leur nom relevant de la famille du latin lux ou du grec leukos, et ne se sont rattachés que secondairement au loup). Dans cette perspective, le monde des luperques est loin d’être uniquement inquiétant et connoté négativement (comme le montrent encore, dans ses développements les plus tardifs, ses liens persistants avec la fécondité féminine). K. Vuković dégage ainsi, dans son analyse du dieu Faunus, et justifiant tant le rapprochement fait par les Anciens avec le verbe favere, que celui (que nous persistons à tenir pour valable) avec le terme dhaunos, dévoreur, une ambiguïté fondamentale, mettant en jeu deux aspects, l’un extérieur au monde des humains et l’autre regardant la part de la nature travaillée par l’homme, qui se seraient progressivement incarnés dans deux divinités distinctes, Faunus et Silvanus. Cette perception nouvelle des luperques et de la divinité qui les patronnait est prolongée par la prise en considération de nombreux autres aspects, y compris d’ordre temporel et astronomique, appuyés par des rapprochements avec d’autres secteurs du monde indo-européen, notamment indien. C’est dire la richesse des perspectives ouvertes par cet ouvrage.

    Vuković s’attache à ce qui serait la préhistoire des lupercales et ce à quoi la fête de février pouvait renvoyer par ses origines, avec cette ambiguïté fondamentale qui l’aurait marquée, cette irréductibilité à la distinction entre nature et culture. Mais on peut se demander si cette distinction ne retrouve pas sa valeur dans le monde des cités, dans celui de la Rome que nous connaissons, lorsque la ville a été fondée par Romulus à l’intérieur de son pomerium, sur lequel Rémus meurt pour ne pas l’avoir respecté. Il nous semble nécessaire de tenir compte non seulement du caractère « lupercal » des jumeaux mais aussi de la différenciation qui s’opère entre eux entre le moment de leur vie de bergers mal différenciés des brigands et celui de la fondation de la cité, qui est le fait du seul Romulus. K. Vuković a raison de critiquer, dans la très importante scène relatée par Ovide (Fastes, 2, 361-380) où Romulus sourit après que son frère, et non lui, a rattrapé les voleurs de bétail puis dévoré les exta préparés pour le dieu Faunus, l’analyse proposée par R. Schilling, qui y voyait sans plus la satisfaction de Romulus devant un sacrilège que son frère aurait alors commis, sacrilège expliquant son élimination ultérieure (explication simpliste, qui ne tient pas compte des nombreuses histoires de manducateurs d’exta, où ce geste, par lequel l’homme se hausse au rang des dieux, a un effet bénéfique) ; mais dans cette victoire momentanée du frère qui sera ensuite éliminé, on peut voir l’amorce d’une séparation entre Rémus, qui se révèle plus efficace dans le monde des luperques, et Romulus, qui le sera par rapport à l’univers de la cité. Le monde « civilisé » se construit aussi par une prise de distance par rapport à ce que représentent Faunus et les luperques, qui ne réapparaîtront que dans des occasions calendaires précises qui leur permettra d’apporter leurs propres valeurs à la cité.

    Ce travail donne ainsi beaucoup à réfléchir et induit à poursuivre les analyses proposées par son auteur. Mais c’est le propre d’un bon livre que de susciter la réflexion de ses lecteurs. Celui que nous offre K. Vuković répond parfaitement à cette définition.

     

    Dominique Briquel