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NMC - Page 56

  • Patrice Lajoye - Purusha

     

    Puruṣa

    Patrice Lajoye,

    Maison de la Recherche en Sciences humaines de Caen

    patrice.lajoye@unicaen.fr

    http://unicaen.academia.edu/PatriceLajoye

     

    Abstract: The myth of the cosmic giant has often been considered in the past as a universal archetype, because it could be found everywhere in the world. But if one wants to focus on the precise distribution of the myth in space and in time, we must recognize that the myth is Indo-European and has recently spread around the world.

    Keywords: Puruṣa, Ymir, cosmic giant, cosmogony, 2Enoch, apocryphal stories.

    Résume: Le mythe du géant cosmique a souvent été considéré par le passé comme un archétype universel, du fait qu'il a pu être retrouvé un peu partout dans le monde. Mais si l'on veut bien s'intéresser à la diffusion précise du mythe dans l'espace et dans le temps, il faut reconnaître qu'il est d'origine indo-européenne et ne s'est répandu ailleurs dans le monde qu'à des dates récentes.

    Mots clés : Puruṣa, Ymir, géant cosmique, cosmogonie, 2Enoch, récits apocryphes.

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    Cité par / quoted by:

    Jiří Dynda, « Kněží, čarodějové a hadači: Prvofunkční specialisté a jejich postavení ve společnosti archaických Slovanů », Sacra, 10-2, 2012, p. 33-48.

    Marco V. García Quintela, « Sobre las saunas de la Edad del Hierro en la Península ibérica: novedades, tipologías e interpretaciones», Complutum, 27-1, 2016.

    Daniel Gricourt et Dominique Hollard, « Le membre greffé, l'eau et les herbes guérisseuses Du dioscurisme indo-européen aux saints jumeaux À propos de Raven et Rasyphe », Nouvelle Mythologie Comparée,4, 2018.

    O. P. Kostjuk, « Sxidna filosof’ka antropologična tradycija v iniciacijnij začisci », Gileja, 136, 2018, p. 136-147.

    Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies, Dieu. La Science, les preuves, 2021, Paris, Trédaniel

    Marco V. Garcia Quintela, « The Iron Age Saunas of NW Spain as Metaphors of the Uterus », in M. Erica Couto-Ferreira and Lorenzo Verderame (ed.), Cultural Constructions of the Uterus in the Pre-modern Societies, Past and Present, 2018, Cambridge, Cambridge Scholars Publising, p. 7-33

     

    Depuis que la discipline de la Mythologie comparée existe, la convergence entre certains mythes de création du monde repérés en Inde, en Iran et en Scandinavie a bien évidemment été remarquée: issu du chaos primordial, un géant se retrouve démembré par les dieux, et ceux-ci disposent les parties de son corps pour créer le monde. Cependant les vraies études de synthèse sur ce sujet précis sont rares1. Mircea Eliade lui-même, bien qu'ayant régulièrement travaillé sur les mythes cosmogoniques, ne s'y est intéressé que de façon superficielle, notamment dans sa postface au livre français La Naissance du Monde2. De même, tous ces chercheurs ont eu le même défaut: s'ils citent régulièrement d'autres versions (russes, grecques, etc.), la plupart se replient rapidement sur les trois supposées principales (scandinave, indienne et iranienne), et même essentiellement sur les versions indiennes et iraniennes.

    Or le propos de cet article sera justement de dresser un tableau complet des versions indo-européennes, sans accorder la priorité à une partie d'entre elles, afin de donner quelques pistes d'analyse nouvelles, puis de voir par quels voies et sous quelle forme ce mythe du « Puruṣa », pour reprendre, par commodité, son nom indien, s'est répandu au-delà3. Il s'agit donc plus d'un inventaire analytique, d'un outil de travail, avec citation des textes permettant la comparaison, que d'un essai sur le sens de ce mythe, sens profond qui a pu varier d'un peuple à l'autre.

     

    I. Le mythe indo-européen: essai d'inventaire

     

    Le monde germanique

     

    Le mythe en question est bien connu dans le monde germanique. On en a sans doute un témoignage dès l'Antiquité par Tacite, dans la Germanie (II, 2), avec la légende de Tuisto et Mannus. Cependant, nous manquons de détails pour nous en assurer. Par contre, les témoignages scandinaves sont nombreux, et fiables. Ils apparaissent d'abord dans divers textes en vers (la Völuspa, par exemple), mais l'ensemble est bien synthétisé au XIIIe siècle par Snori Sturluson, Gylfaginning IV-VIII4:

    « Ce fut à de nombreuses époques avant la création de la terre que Niflheim fut fait. En son centre se trouve la source appelée Hvergelmir et, de là, sourdent les rivières qui portent les noms suivants: Svol, Gunnthra, Fiorm, Fimbulthul, Slidr et Hrid, Sylg et Ylg, Vid, Leiptr; et aussi Gioll, qui est la plus proche des grilles de Hel.' Le Tiers dit aussi: 'En tout premier lieu, il y eut cependant le monde qui est situé dans la partie méridionale et qui est appelé Muspell. Il est lumineux et très chaud, car cette région n'est que feu et flammes, aussi est-il inaccessible aux étrangers et à ceux qui n'y possèdent pas de domaines ancestraux. C'est là que réside le fort Surt. »

    S'ensuit la description de Surt et de la fin du monde. Puis il est dit que la glace se forme de la condensation du flot venimeux entraîné par les fleuves. Lorsque la glace fond sous l'effet de la chaleur de Muspell, il en sort Ymir, le père de la race des géants du givre.

    Pendant qu'il dormait, le géant se mit à transpirer: sous son bras gauche se développèrent un homme et une femme, alors que ses deux jambes, s'accouplant, engendrèrent un fils. Ce sont les géants du givre.

    Des gouttes de givre sort aussi une vache, Auðhumla. Quatre fleuves de lait coulent de ses pis, avec lesquels elle nourrit Ymir. La vache, en léchant une pierre de givre, fait apparaître un homme, Buri, l'ancêtre des dieux.

    Les dieux en question sont Odin, Vili et Vé, fils de Bor, fils de Buri. Ils tuèrent Ymir et son sang noya les géants, à l'exception d'un seul et de sa femme.

    « Ils prirent Ymir, les transportèrent au milieu de l'immense abîme Ginnungagap et en firent la terre. De son sang, ils firent la mer et les lacs, de sa chair la terre [ferme], et de ses os les montagnes. Quant aux pierres et aux éboulis de roches, ils les firent de ses incisives et de ses molaires, ainsi que de ceux de ses os qui s'étaient brisés. » [...] « Du sang qui jaillissait de ses blessures et qui coulait librement, ils firent ensuite la mer qui leur servit à ceindre la terre afin de la maintenir fermement: pour ce faire, ils la disposèrent en cercle autour de la terre, aussi la plupart des hommes estiment-ils qu'il est impossible de traverser cette mer. » [...] « Ils prirent également son crâne et en firent le ciel: ils le dressèrent en quatre coins au-dessus de la terre, puis ils placèrent un nain sous chacun des angles ainsi formés. [...] Ils prirent alors les flammèches et les étincelles qui avaient été projetées hors du monde de Muspell et qui volaient librement, et ils les placèrent au milieu de l'immense firmament de Ginnungagap, à la fois par le haut et par le bas [de l'abîme], afin d'éclairer le ciel et la terre. Ils arrêtèrent tous les corps lumineux et leur donnèrent une place, fixe dans le ciel pour les uns, mobile sous la voute céleste pour les autres, mais ces derniers, ils les placèrent néanmoins sur leur orbe et ils réglèrent leur mouvement. Il est dit dans les vieux poèmes que c'est depuis lors que l'on distingue le jour et la nuit et que l'on compte par années. » [...] « [La terre] est ronde en sa périphérie, et elle est entourée de la très profonde mer sur le rivage de laquelle se situent les contrées qu'ils donnèrent aux races des géants. Mais à l'intérieur des terres, ils érigèrent une fortification tout autour du monde afin de se protéger de l'hostilité des géants, et, pour ce faire, ils utilisèrent les cils du géant Ymir. Ils donnèrent à cette fortification le nom de Miðgarð. Ils prirent ensuite le cerveau d'Ymir, le lancèrent en l'air et en firent les nuages, comme il est dit ici:

    De la chair d'Ymir

    la terre fut créée,

    de son sang la mer,

    de ses os les montagnes,

    de ses cheveux les arbres,

    et de son crâne le ciel.

    De ses cils, ils firent,

    les dieux cléments, Miðgarð

    pour les fils des hommes.

    Mais de son cerveau

    furent créés

    tous les nuages cruels. »

    Il est assez vraisemblable que chez les anciens Germains continentaux, ce mythe ait été connu, et même qu'il ait été interprété dans le rituel sacrificiel. On trouve en effet dans les Annales de Tacite (XIII, 57), la mention d'un conflit qui a opposé les Hermondures aux Cattes pour une cause bien particulière :

    « Un combat sanglant se livra, le même été, entre les Hermondures et les Cattes. Ils se disputaient un fleuve dont l'eau fournit le sel en abondance, et qui arrose leurs communes limites. À la passion de tout décider par l'épée se joignait la croyance religieuse 'que les lieux étaient le point le plus voisin du ciel, et que nulle part les dieux n'entendaient de plus près les prières des hommes. C'était pour cela que le sel, donné par une prédilection divine à cette rivière et à ces forêts, ne naissait pas, comme en d'autres pays, des alluvions de la mer lentement évaporées. On versait l'eau du fleuve sur une pile d'arbres embrasés ; et les deux éléments contraires, la flamme et l'onde, produisaient cette précieuse matière' ».

     

    Certes, Tacite décrit ici le processus de fabrication du sel par briquetage. Mais le contexte religieux est évident et le rapprochement avec le mythe d'Ymir se fait de lui-même5.

     

    Les témoignages slaves

     

    Les quelques témoignages slaves que nous possédons nous viennent essentiellement de Russie. Ainsi, une légende cosmogonique nous dit que:

    « Au temps où il n'y avait ni terre, ni ciel, il y avait une clôture, entourée d'une palissade, au milieu de laquelle vivait un vieillard. Le vieillard dit à son petit-fils:

    - Petit, nous ne pouvons pas vivre ainsi, construisons-nous une maison. Faisons mieux qu'une maison, bâtissons plutôt un palais en os. Tu apporteras les os et tu les jetteras dans ce fossé. J'apporterai de l'eau et je mouillerai les os.

    Ils se mirent à l'ouvrage: le petit-fils apporta les os et les disposa dans le fossé, le grand-père apporta de l'eau et mouilla les os. Une fois les os trempés, ils façonnèrent un palais avec et s'y installèrent. Ils accumulèrent du bien, engendrèrent des enfants et c'est d'eux que descendent tous les hommes6. »

    À qui peuvent donc appartenir ces os qui permettent le façonnage du palais, hormis à une créature antérieure au vieillard et à son petit-fils, qui sont donnés comme ancêtres de l'humanité? Il est possible alors de penser que nous avons là la trace d'un récit de démembrement d'un géant cosmique.

    Toutefois, le meilleur témoignage que nous ayons de ce mythe chez les Russes reste les Vers sur le Livre de la Colombe (Stikhi o Golubinoj Knige), un chant mystique collecté au XIXe siècle dans lequel une assemblée de tsars interroge le « tsar » David sur diverses questions, et notamment sur l'origine du monde, pour laquelle voici sa réponse:

    « Il est écrit dans le Livre de la Colombe:

    Notre monde prend naissance

    Du Saint Esprit de Sabaoth;

    Le soleil rouge, du visage de Dieu,

    Du Christ même, Tsar Céleste ;

    La nouvelle lune, de la poitrine de Dieu ;

    Les étoiles drues, de la chasuble de Dieu ;

    L’aurore et le crépuscule

    Des yeux de Dieu, du Christ, tsar céleste ;

    Les vents prennent naissance sur notre terre –

    Du Saint Esprit de Sabaoth,

    Du souffle de Dieu :

    Les tonnerres prennent naissance sur notre terre –

    Des paroles de Dieu ;

    Les tsars prennent naissance sur notre terre

    De la tête sainte d’Adam ;

    Les princes et les boyards prennent naissance –

    Des reliques saintes d’Adam ;

    Les paysans orthodoxes –

    D’un genou saint d’Adam7 ».

    Ce texte n'a, à notre connaissance, jamais été exploité correctement par les non-slavistes. Ainsi Bruce Lincoln (mais il n'est pas le seul), lui donne le titre fantaisiste de The Poem on the Dove King (sic!), confusion étrange entre le russe knig, « livre », et l'anglais king, « roi »8. Cela montre que dans l'ensemble, les spécialistes anglo-saxons du sujet n'ont jamais lu ce texte et n'en ont eu connaissance que par des travaux de seconde main. De même, lorsque Lincoln lui donne une origine iranienne, il ne le fait que parce que les Slaves et les Scythes ont longtemps coexisté. Mais le fait est que le chant russe n'entretient, comme nous le verrons, aucun rapport avec les textes iraniens. Par contre il est le texte le plus proche des textes indiens, comme l'avait déjà bien vu Schayer dès 19359.

    De même, un troisième témoignage aurait pu être apporté au crédit des Slaves, celui du texte apocryphe 2 Enoch, ou Livre des Secrets d'Enoch, apocryphe slavon dont subsistent deux versions, une longue et une autre courte. La version longue contient de nombreuses interpolations qui semblent bien être toutes tardives. L'une d'elles, au chapitre 30, présente justement notre mythe, mais de façon inversée: c'est le monde qui sert à façonner le premier homme, et non l'inverse:

    « And on the sixth day I commanded my wisdom to create man out of the seven components:

    /1/ his flesh from earth;

    /second/ his blood from dew and from the sun;

    /third/ his eyes from bottomless sea (the sun dans 2 manuscrits);

    /fourth/ his bones from stones;

    /fifth/ his reason from the mobility of angels and from clouds;

    /sixth/ his veins and hair from grass of the earth;

    /seventh/ his spirit from my spirit and from wind10. »

    Il est erroné de dire, comme l'a là encore fait Bruce Lincoln, qu'il s'agit d'un témoignage « juif »11. Il s'agit d'une interpolation récente dans un texte apocryphe juif, cette interpolation ayant eu lieu dans un milieu lettré serbe ou bulgare entre le XIIIe et le XVIe siècle12. Cependant, ce « mythe » du Puruṣa inversé exprimé en Adam dans le monde chrétien n'est en fait pas spécifiquement slave. Il tire sa source de diverses œuvres apocryphes d'origine grecque dont le fond s'est répandu dans toute l'Europe. Emil Turdeanu en a fait dès les années 1970 l'inventaire, allant d'une version anglaise du VIIe siècle à des chants nuptiaux roumains collectés au XIXe siècle13. Citons à titre d'exemple une version roumaine:

    « Et il [Dieu] a pris de la poussière,

    et de la terre il a pris de l'argile,

    et il a béni cette argile,

    et il en a fait

    un homme, son corps de la terre,

    ses os, de pierre,

    son sang, de la rosée,

    sa force, du vent,

    son âme, du saint esprit,

    ses yeux, de la mer,

    sa beauté, du soleil,

    sa pensée, de la rapidité des anges. »

     

    De fait, ce motif est particulièrement bien attesté en domaine germanique (Angleterre médiévale14, Allemagne), en domaine celtique (Irlande15) et en domaine slave. Il tire vraisemblablement sa source d'un apocryphe grec disparu mais dont la trace est aussi conservée dans un Chronographe grec du XVIIe siècle16. Notons au passage qu'il est certain que cette croyance savante a pu influencer le mythe scandinave. Dans tous les cas relevés par Emil Turdeanu, la constitution d'Adam à partir de sept ou huit éléments est suivi de l'ajout de la création de son nom, formé des premières lettres du nom de quatre anges venus des quatre points cardinaux. Or après le démembrement d'Ymir, son crâne est posé sur quatre nains qui forment les quatre points cardinaux. Cela ne se retrouve pas ailleurs.

    Paradoxalement, les Vers sur le Livre de la colombe russe n'a subit l'influence du motif apocryphe que dans le fait qu'elle identifie partiellement l'homme cosmique à Adam, du moins quand il s'agit d'en faire l'origine de la société. À l'inverse, certaines versions du motif apocryphe semblent bien avoir été influencées par une croyance locale en l'homme cosmique: c'est le cas de certains manuscrits de 2Enoch, qui donnent pour origines aux yeux d'Adam le soleil, alors que les autres versions disent « la mer ». De même, le récit apocryphe slave Skazanie, kak sotvoril Bog Adama (Comment Dieu a fait Adam), dont le plus ancien témoignage, chez les Slaves du Sud, est du XIVe siècle, montre une semblable restitution dans ses manuscrits russes: c'est le soleil qui sert à faire les yeux. Ce récit a été très populaire dans l'ancienne Russie, et c'est tout naturellement qu'on le retrouve dans le folklore ukrainien17 et russe18.

     

    Chez les Celtes

     

    Les anciens pays celtiques ne semblent pas conserver de trace de notre mythe. Cependant, un quatrain chrétien irlandais pourrait y faire allusion:

    « Le visage de Jésus sur la croix à l'ouest,

    à l'est sans tribut de la chair, le dos de l'agneau;

    son côté gauche est au sud vers le soleil,

    il est dans la souffrance, son côté vers le nord19. »

     

    Françoise Le Roux et Christian Guyonvarc'h ont eu tout à fait raison de ranger ce texte aux côtés d'un autre, celui de La Fondation du domaine de Tara, qui explique comment sont ordonnés les quatre points cardinaux: « à l'ouest, la science, au nord la bataille, à l'est la prospérité, au sud la musique, au centre la souveraineté »20. Cependant, dans son sens profond, le quatrain chrétien va bien plus loin. Jésus est l'Homme sacrifié par excellence, comme l'est le Puruṣa indien. Et ici ce sont bien des parties de son corps qui forment les quatre points cardinaux, autrement dit qui balisent le monde. De plus, l'ouest représente la science, autrement dit la première fonction dumézilienne, ici assimilée au visage de Jésus. Or comme nous le verrons, dans l'hymne védique, la tête du Puruṣa est à l'origine du ciel, et sa bouche, des brahmanes, autrement dit de la science.

    Le fait qu'ici ce soit Jésus qui soit utilisé, et non Adam comme dans les légendes apocryphes, ne doit pas étonner: dès la fin de l'Antiquité, Jésus a été vu, dans certaines traditions, notamment gnostiques, comme un nouvel Adam, cet Adam étant alors considéré comme un être primordial hermaphrodite21.

     

    Le folklore français

     

    En 1889, Victor Brunet consignait dans la Revue des Traditions Populaires, quelques éléments concernant Gargantua dans la région de Saint-Sever-Calvados (Basse-Normandie). Ils sont très brefs, citons-les donc en intégralité:

    « Aux environs de Saint-Sever, lorsque la butte de Grosmont est obscure, on dit en proverbe: 'Le soleil ne rira pas aujourd'hui, car Gargantua a mis son capuchon'.

    Il y a une trentaine d'années, ma grand'mère me racontait que Gargantua, déjà âgé, était venu mourir dans le pays. Pour empêcher la peste de se déclarer, on résolut de l'enterrer. Il fallut des mois pour creuser sa fosse; on y parvint enfin, on y coucha l'immense cadavre de Gargantua. On amoncela sur sa tête, sur ses jambes et sur son corps la terre qu'on avait tirée du trou. La butte de Grosmont correspond à sa tête; la vallée de Malloué se trouve au-dessus du cou; il y a même en cet endroit un gouffre qui reçoit les eaux de la Vire et dans lequel on précipita en 1793 les cloches de l'église de Pont-Bellanger; le corps et les pieds ont formé la côte des Landelles, longue d'au moins un kilomètre et demi; les pieds, séparés par une vallée, forment les chaînes de la Gentière et de la Guérinière. Le corps du géant repose sous le territoire des communes de la Ferrière-Hareng, de Campeaux, de Malloué, des Landelles et de Coupigny22. »

     

    Régulièrement reprise par les diverses études « gargantuines » qui ont suivi, notamment celles d'Henri Dontenville et de Guy Pillard, au titre des tombeaux de Gargantua ou de géants, ce passage n'a pour autant pas réellement été analysé. Pire: sa localisation exacte, telle que donnée par le texte, pose problème. Le Grosmont n'est plus mentionné sur les cartes d'aujourd'hui. Il est sur la commune de Malloué, et c'est lui qui porte l'église (Notre-Dame) et le cimetière paroissial. La vallée de Malloué est celle de la Vire, très encaissée à cet endroit. Les bras ne sont pas mentionnés dans le texte, mais on peut imaginer qu'ils correspondent aux lignes de crêtes de la rive gauche de la Vire, sur la commune de Saint-Martin-Don. Reste les pieds. Le hameau de la Guérinière est aisément identifiable, sur la commune de Campagnolles; quant à la Gentière, il s'agit en fait de la Genotière, hameau à cheval sur les communes de Campagnolles et de Sainte-Marie-Laumont. On voit donc que Victor Brunet n'a pas pensé à regarder sur une carte quand il a consigné sa légende.

    Mais là n'est pas le plus important. Le fait est que le corps de Gargantua forme un vaste territoire fait de collines bien identifiées dont on dit: celle-ci est la tête, celles-ci les jambes, etc. Cela ressemble ni plus ni moins qu'au mythe cosmogonique du démembrement du géant, même si ici Gargantua meurt de vieillesse, obligeant ainsi à l'enterrer pour éviter sa décomposition. Mais ses membres sont bien à l'origine de collines, équivalent microcosmique des montagnes. Et il est troublant d'observer que sa tête, le Grosmont, est lié à un phénomène atmosphérique: s'il ne fait pas beau, c'est que Gargantua a mis son capuchon. Autant dire que la tête de Gargantua s'assimile au ciel, comme celle d'Ymir.

    Il est difficile de dire si cette légende doit sa présence en Normandie à la colonisation scandinave. Rien n'empêche, comme nous l'avons vu, que les anciens Celtes aient aussi connu ce mythe, auquel cas cette « tombe » de Gargantua en constituerait l'exemple le mieux conservé.

     

    En Grèce

     

    Les récits apocryphes chrétiens ont, nous l'avons vu, une origine clairement grecque. Leur fond remonte même au paganisme et à certaines spéculations philosophiques23. Deux textes, le Timée de Platon (34c-36c, sur la création de l'âme du monde par le Démiurge) et le De Hebdomadibus du pseudo-Hippocrate, nous montrent que l'idée d'un homme macrocosmique multipartite était bien présente en Grèce24. Les textes philosophico-religieux de l'époque tardive contiennent parfois quelques allusions à ces raisonnements, en les mettant justement dans le contexte de la création du premier homme. Ainsi le traité hermétique Poimandres (15-16), qui montre que le premier homme est bien composé de sept « gouverneurs », et procède donc des quatre éléments fondamentaux (terre, eau, air, feu). Chez les alchimistes, Zozime de Panopolis, au tournant du IVe siècle ap. J.-C., s'exprime ainsi:

    « C'est ainsi que le premier homme, celui qui chez nous est Thoyth, ces gens-là l'ont nommé Adam, d'un nom emprunté à la langue des anges. Et non seulement cela, mais ils l'ont nommé symboliquement, l'ayant désigné par quatre lettres (éléments) tirées de l'ensemble de la sphère, selon le corps. Car la lettre A de ce nom exprime le levant, l'air; la lettre D exprime le couchant, la terre qui s'incline vers le bas à cause de son poids; la seconde lettre A exprime le nord, l'eau; la lettre M exprime le midi, le feu maturant qui est intermédiaire entre ces corps et qui a trait à la zone intermédiaire, la quatrième25 »

     

    Le terme « sphère » est à prendre dans le sens de « globe terrestre », c'est-à-dire « le monde entier »26. On retrouve bien là la base des légendes apocryphes signalées plus haut. Zozime n'exprime pas quelque chose de neuf: le motif des quatre lettres d'Adam se trouve déjà dans les Oracles sybillins (III, 24-26, Ier siècle ap. J.-C.). Mais il semble bien être le premier à y mêler quelque chose qu'il tire de Platon, à savoir la fabrication de l'homme à partir de plusieurs éléments. Ces spéculations se retrouvent avec force dans les textes gnostiques, qui puisent dans divers fonds religieux (grec, juif, mais aussi iranien et égyptien), sous la forme du mythe d'Anthropos ou Adamas, l'« Homme primordial », le « Préexistant », l'« Androgyne »27, formé le plus souvent à partir des sept Archontes. Ainsi, une version audienne de l'Apocryphon de Jean conservé par Théodore bar Konaï indique:

    « Ma sagesse a fait le poil, et le Discernement a fait la peau, et Elohim a fait les os, et ma Royauté a fait le sang, Adonaï a fait les nerfs, et le Zèle a fait la chair, et la pensée a fait la moelle28. »

     

    Dans tous les cas, nous avons là la création d'un homme primordial après la création du monde, une création inversée. C'est donc un hymne orphique à Zeus, conservé par Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, III, 9-2 (Kern, fragment 168), qui reste notre témoignage le plus précieux:

    « Zeus fut le premier à naître, Zeus maître de la foudre est le dernier.

    Zeus est la tête et le centre, c'est de Zeus que tout a reçu l'être.

    Zeus est né mâle, Zeus a aussi été nymphe impérissable.

    Zeus est le fondement de la terre et du ciel étoilé.

    Zeus est roi, Zeus en personne est l'auteur de toutes choses.

    Il est né seule force, seul démon, grand chef de tous les êtres;

    Seul corps royal, où tout ce bas monde déroule son cycle,

    Feu, eau, éther, nuit et jour,

    Prudence (Métis), premier géniteur et Eros charmeur;

    Car tout ici-bas se trouve dans le grand corps de Zeus.

    A le voir, sa tête et son beau visage

    Sont le ciel resplendissant, qu'entourent de leurs ondulations

    Les splendides chevelures d'or des astres étincelants;

    Des deux côtés, ces cornes de taureau, deux cornes d'or,

    Ce sont le lever et le couchant, routes des dieux du ciel;

    Ses yeux, le soleil et la lune qui va à sa rencontre.

    Son intellect infaillible, c'est l'éther royal, impérissable,

    Par lequel il meut tout en cercle et conçoit;

    Il n'est ni voix, ni son, ni bruit, ni rumeur

    Qui échappe à l'oreille du tout-puissant Zeus, fils de Cronos;

    Ainsi immortelles sont sa tête et sa pensée;

    Ainsi son corps est lumineux, immense, inébranlable,

    Vigoureux, aux membres forts, tout-puissant;

    Les épaules du dieu, sa poitrine, son large dos,

    C'est l'air du vaste empire; des ailes lui ont poussé,

    Sur lesquelles tout vole; son ventre sacré,

    C'est la terre, mère universelle, ce sont les pics vertigineux des montagnes;

    Au milieu, sa ceinture, c'est le flot de la mer sonore

    Et de l'océan (Pontos); sa base extrême, ce sont les racines intérieures du sol,

    Le Tartare moisi, les ultimes limites de la terre29. »

     

    Cet hymne est remarquable par le fait qu'ici, c'est Zeus, le démiurge, qui fait office d'homme cosmique, mais un Zeus qui a auparavant avalé Eros/Métis, l'entité hermaphrodite sorti de l'oeuf primordial formé dans le chaos, Eros par ailleurs figure similaire à l'Adam lumineux des textes gnostiques.

     

    Dans l'Iran pré-islamique

     

    Le cas de l'Iran ancien est plus complexe. On a souvent invoqué le mythe de Gayomard, tel qu'il a été conservé dans les textes pehlevi que sont le Denkart et le Grand Bundahišn. Pourtant, il faut bien avouer que ce mythe n'a que peu de rapports avec celui du Puruṣa: après avoir créé le monde, Ohrmazd créée un premier homme, Gayomard, fait de glaise, et un premier bœuf. Mais Ahriman attaque le monde, et de cette attaque il résulte que le bœuf et l'homme sont tués. Du corps du bœuf sortiront diverses espèces d'animaux bénéfiques, alors que de l'homme sortiront divers matériaux précieux ainsi qu'une graine qui donnera naissance à la rhubarbe, de laquelle sortira le couple humain primordial. Gayomard n'est pas à l'origine du monde, et il n'est pas démembré. Autant de choses qui le distinguent du Puruṣa.

    En définitive, ce mythe se rapproche bien plus de celui du type Hainuwele, tel qui a été défini par l'ethnologue Adolph Jensen30. Sa structure est simple: peu après la création, un des premiers dieux, ou un des premiers héros, est sacrifié ou tué, et de son corps démembré sortent diverses espèces de plantes ou d'animaux bénéfiques31. Ce mythe est connu dans toutes l'ère Pacifique, Amériques comprises32, et il se pourrait même qu'il ait des extensions en Occident, par exemple avec le mythe irlandais de Miach, assassiné par son père Diancecht, et sur la tombe duquel poussent toutes les plantes médicinales.

    Mais il existe dans le domaine iranien un autre texte, jusqu'ici assez souvent ignoré, et qui pourtant se rapporte au mythe du Puruṣa. Il s'agit du Pahlavi Rivāyat, au chapitre 46, un texte qui n'est porté que par des manuscrits postérieurs au XVIIe siècle:

    « 46.1 This (question): How and from what has the sky been made?

    46.2 There was a material like embers of fire, (which was) pure in light, which was created from the Endless Light.

    46.3 And he made all the creatures and creations from that, and he had made them he put them into a body and kept them in a body for 3,000 years. And he caused (them) ever to increase and he made (them) ever more beautiful; and then one by one he kept creating (them) from the body of his own (making).

    46.4 And first he created the sky from the head, and its substance (is) white crystal, and its width and height (are) equal, and the depth of its foundations is as much as the breadth of the emptiness, and its management (is) by the righteous male and Dahmān Āfrīn, and there is no physical support for it; Ohrmazd resides within (it) with the creatures and the creation.

    46.5 And he created the earth from the feet, and its stability (is) from the mountains (good Lord Mihr and Dahmān Āfrīn, the Master of Truth and the Master of Righteousness, bestow riches of the spirit upon the worthy (man) as a righteous-gift for goodness). And in it he interred minerals, and he caused mountains to grow from the minerals, for 18 years both below and above they kept growing upward again for 800 years up to the sky. And below and above its circle encompasses (the earth) around, and so it (is) like an egg in which there (is) a little bird. And there is no physical support for it.

    46.6 Just as he had caused the mountain to grow up to the measure at which it is (now), he then brought forth the earth in the direction of the sky, in the star station, and he created the foundation and base. When Ahriman invaded, then it was drawn down by him. At the Future Body it will go back to the star station.

    [... description cosmologique...]

    46.11 And he created water from his tears, some of it is mixed into the earth, and some of it is put upon the earth, and some of it stands (suspended) in the atmosphere; and it was all in motion.

    [...]

    46.13 And he created the plants from (his) hair, and first there was one stem of one span and two finger-breadths in height and all the species of plants were in it except one species, and he brought it forth in Ērānwēz.

    46.14 Then some (of the seeds) were carried by birds, some in water, and some by mankind from place to place. And (there is) a forest also in the sea and the white hōm and the other plants in the world were from that (forest). And its comfort (is) from the bringing of āb-zōhr, so that it is pure; and its discomfort (is) from those (men) when they cut or break it unlawfully. Those species which he created afterwards were 50 species.

    46.15 And he created the ox from (his) right hand, and he brought it forth in Ērānwēz, and its height and width were three cubits, and when Ahriman assaulted it it died at once, and its seed fell to the earth at once. Ohrmazd made all the species of beneficent animals from that seed, and first he made one male and one female of every species, and afterwards progeny proceeded from them. And their pleasure and comfort (are) from water and fodder and good protection in winter and summer, so that (they are) pure: and their discomfort (is) from those men when they kill them unlawfully and use them unlawfully and do not give them water and fodder and (they do not) protect them.

    [...]

    46.28 And he created fire from his mind, and its radiance is created from the Endless Light.

    46. 29 And he created the plants and created in (them) fire, and he blessed them, saying: «Since you will not be makers of fire (that is, it will be possible to separate fire from them) may you be the fuel of the fire (that when they put you in to it, then it will blaze up).

    [...]

    46.36 And he made man from that clay from which Gayōmard (was made). It [Gayōmard's clay] had been trusted in seminal form to Spandarmad [the earth], and Gayōmard was created from Spandarmad and was born33

     

    Comme cela a bien été démontré, bien que ce texte soit tardif, il n'entretient aucun lien avec les récits indiens34. Il constitue donc un archaïsme dans la tradition iranienne. Paradoxalement, il est beaucoup plus proche de l'hymne orphique à Zeus: or on a régulièrement écrit que les textes orphiques avaient subi une influence iranienne35. Pourtant le Rivāyat lui est bien postérieur. La question de l'influence inverse, notamment à partir de l'époque d'Alexandre le Grand, se pose. Quoiqu'il en soit, ce document montre l'existence d'un mythe iranien de l'homme cosmique dont l'emplacement se situe entre la création de l'univers et celle de Gayomard, le premier vrai homme, vraisemblablement hermaphrodite, et enfin le premier couple humain, issu de Gayomard. Cet ordre des choses ressemble d'ailleurs curieusement à ce qu'on peut trouver dans certains traités gnostiques (par exemple le traité II, 5 de Nag Hammadi), qui voient se succéder un Adam cosmique, lumineux, puis un Adam psychique, et enfin un Adam terrestre, accompagné d'Eve.

     

    En Inde

     

    La tradition indienne est bien évidemment la plus riche puisque le mythe, connu depuis les éléments les plus récents du Rig-Véda, est sans cesse réactualisé, d'abord dans les Lois de Manu (I, 5 et suiv.), puis dans nombre de textes brahmaniques. Citons donc l'élément le plus ancien, qui a le mérite de montrer une version déjà pleinement constituée:

    « 1. A mille têtes, l'Homme (Puruṣa)! à mille yeux! à mille pieds! Après avoir couvert la terre de tous côtés, il la dépassait (encore) de dix doigts!

    2. L'Homme, certes, est cet univers tout entier, ce qui fut et ce qui sera! Il est le maître, aussi, de l'Immortalité qu'il dépasse grâce à la nourriture (qu'il reçoit).

    3. Si grande soit sa mesure, il est davantage encore, l'Homme! Tout ce qui existe forme un quartier de lui; le (domaine) immortel, (là-haut), dans le Ciel (forme) les trois autres quartiers.

    4. C'est qu'il est monté là-haut avec trois quartiers, cependant que le quatrième reprenait naissance ici-bas. A partir de celui-ci il s'est répandu en tous sens, vers ce qui mange et ce qui ne mange pas.

    5. De l'(Homme) naquit la Souveraineté-qui-se-diffuse (viradj), et d'elle (naquit) l'Homme: sitôt né, l'Homme a dépassé la Terre, par derrière et par devant.

    6. Lorsqu'avec l'Homme pour substance-oblatoire les Dieux tendirent le sacrifice, le printemps fut le beurre (utilisé pour) ce (sacrifice), l'été le combustible, l'automne l'oblation (elle-même).

    7. Sur la litière ils aspergèrent le sacrifice, (c'est-à-dire) l'Homme, né aux origines. Oui, c'est Lui qu'ils offrirent-en-sacrifice les Dieux et les Saints (d'autrefois), les Prophètes!

    8. De ce sacrifice dont la substance-oblatoire était l'Univers-tout-entier fut produit le beurre moucheté et les animaux qui paissent, ceux qui volent, sauvages ou domestiques.

    9. De ce sacrifice dont la substance-oblatoire était l'Univers-tout-entier les Stances et les Mélodies naquirent; en naquirent les mètres, en naquit la formule-rituelle.

    10. En naquirent les chevaux et (toutes) les bêtes qui ont double rangée de dents; en naquirent les vaches, les chèvres et les brebis.

    11. Lorsque les Dieux eurent découpé l'Homme, comment en disposèrent-ils (les parts)? Que (devint) sa bouche? Que (devinrent) ses bras? Comment furent appelés ses cuisses et ses pieds?

    12. Sa bouche devint le brahmane; ses deux bras, le noble; ses deux cuisses, le producteur; le serf quant à lui naquit de ses deux pieds.

    13. La lune naquit de sa pensée; le soleil de ses yeux; de sa bouche, Indra et Agni; de son souffle Vayu.

    14. De son nombril, fut l'Espace-intermédiaire; à partir de sa tête le Ciel se développa; de ses deux pieds la Terre; et les Orients, de son oreille: ainsi disposèrent-ils les mondes.

    15. Sept étaient les bois-d'enceinte de ce (sacrifice); trois fois sept, les bûches d'allumage; lorsque les Dieux, tendant le sacrifice, eurent lié l'Homme (en tant que victime.

    16. Oui, les Dieux offrirent le sacrifice en sacrifice au sacrifice! Telles furent les premières lois! Et ces pouvoirs gagnèrent le Ciel, là où sont les Saints d'autrefois, les Dieux36! »

     

    Par la suite le mythe s'est retrouvé associé à Prajāpati, alors que Puruṣa, ayant pris simplement le sens d' « esprit », est devenu un principe mâle inactif. Cependant, l'idée de démembrement reste au cœur des rites sacrificiels fondateurs.

     

    Analyse

     

    En définitive, nous obtenons un corpus de six versions exploitables, et il est ainsi possible de dresser un tableau comprenant tous les éléments du devenir de l'homme cosmique:

     

    Ymir

    Apocryphes

    (ici 2Enoch)

    Rivayat

    Zeus

    Puruṣa

    Le sang > la mer et les lacs

    Rosée et soleil > sang

    Larmes > les eaux

    Ceinture = mer

     

    Le corps > la terre

    Terre > chair

    Pieds > terre

    Pieds = racines du sol

    Pieds > terre

    Les os > les montagnes

    Les dents et esquilles > les rochers

    Pierres > os

     

     

     

    Le crâne > le ciel

     

    Tête > ciel

    Tête et visage = ciel

    Tête > ciel

    Le cerveau > les nuages

    Mouvement des anges et nuages > raison;

    Esprit de Dieu et vent > esprit

    Esprit > feu

    Intellect = éther

     

    Souffle > Vayu;

    Bouche > Indra et Agni

     

     

    Mer > yeux

    (var. russe: soleil > yeux)

     

    Yeux = soleil et lune;

    Cornes = lever et coucher

    Yeux > soleil

    Pensée > lune

     

     

     

    Cheveux = astres

     

     

     

     

    Epaules, poitrine et dos = air

    Nombril > espace intermédiaire

    Cheveux > arbres

    Herbe > nerfs et cheveux

    Cheveux > plantes

     

     

     

     

     

     

    Bouche > brahmane

     

     

     

     

    Bras > nobles

     

     

     

     

    Cuisses > producteur;

    Pieds > serf

    Les cils > Midgard

     

     

     

     

    Sueur > vache

     

    Main droite > boeuf

     

     

     

    De la lecture de ce tableau, il ressort que l'on peut définir trois sous-ensemble: le premier contient le mythe d'Ymir, les apocryphes chrétiens et le Pahlavi Rivāyat. Eux-seuls par exemple donnent l'origine des plantes. De même les apocryphes et le mythe d'Ymir nous donnent l'usage des os37. D'un autre part, les Vers sur le livre de la colombe russes et l'hymne védique forment un ensemble bien distinct aussi: eux seuls mentionnent l'origine des classes de la société38. Eux seuls aussi font la distinction entre vents et tonnerres: dans le texte russe, les tonnerres sont issus des paroles de Dieu, alors que dans le texte indien, le dieu du tonnerre Indra tire son origine de la bouche du Puruṣa.

    Entre les deux groupes, l'hymne orphique à Zeus semble bien faire office d'intermédiaire.

    Tentons alors l'exercice du stemma:

    Figure 1 Purusha.jpg

    Les flèches indiquent une simple influence et non une filiation.

     

    Il n'est pas question maintenant de restituer un texte primitif. Les variantes sont trop divergentes pour le permettre, même si certaines conclusions s'imposent, par exemple que partout le ciel est issu de la tête et le soleil (ou bien le soleil et la lune) des yeux. L'homme cosmique est hermaphrodite. C'est clairement dit en Grèce, et sous entendu en Scandinavie. L'origine même de l'homme cosmique diverge d'un récit à l'autre. Création spontanée en Scandinavie, volonté divine en Inde et en Iran, assimilation de Dieu à cet homme en Grèce et en Russie. La cause de la mort de l'homme diverge aussi: meurtre en Scandinavie, sacrifice en Inde et vraisemblablement en Iran. Une seule chose est certaine: il doit mourir pour permettre aux éléments du monde, contenus dans son corps, de se mettre en place (ou d'être mis en place par les dieux).

    On peut malgré tout se permettre certaines remarques.

    Tout d'abord, en dépit de la parenté linguistique existant entre Ymir d'une part, et Remus, Yima et Yama d'autre part39, ces figures mythologiques ne sont pas assimilables, ni même réductibles au même archétype. Yima, Remus et Yama sont, dans leurs régions respectives (Iran, Rome et Inde), des jumeaux. Ils ne sont pas hermaphrodites. De plus, ils n'interviennent pas dans la cosmogonie, mais dans l'anthropogenèse. Ils sont premiers, mais pas primordiaux: le monde est créé avant eux, alors que les personnages que nous avons étudiés ci-dessus existent avant le monde, qui leur doit d'ailleurs son existence. Nous avons ici une différence de génération importante. L'homme cosmique est primordial, antérieur au monde et donc à la donc à la différenciation sexuelle: étant à l'origine des hommes et des femmes, il se doit de contenir des éléments des deux. Cela n'est le cas ni de Remus, ni de Yama ou de Yima, qui avec leurs frères occupent finalement un rôle proche des Abel et Caïn biblique, fils d'Adam. Dans les quatre cas, l'un des frères tue l'autre.

    D'un point de vue structurel, tous les textes scandinaves contenant le mythe d'Ymir sont du type « Questions et réponses ». Il en est de même pour les Vers sur le Livre de la colombe, dans lesquels on interroge le roi David. Les apocryphes chrétiens sont le plus souvent de ce type. On pourrait ainsi penser que cette forme a été dictée justement par ces derniers, mais il n'en est rien, puisque le Pahlavi Rivāyat, sur lequel aucune influence chrétienne ne s'est exercée, est aussi un jeu de « Questions et réponses ». Ainsi Odin dans le Vafthrudnirsmal, demande: « Dis ceci en premier lieu, si tes dons y suffisent, et si toi, Vafthrudnir, le sais: d'où viennent la terre et le ciel élevé, ô savant géant! »40. Comme en écho, Snorri fait que Ganglari demande aux dieux: « Quelle fut l'origine? Comment cela commença-t-il? Et qu'y avait-il auparavant? ». Les Vers sur le Livre de la colombe se font plus complexes puisqu'ils dévoilent dans la question l'ensemble des réponses attendues: « Dis-nous encore, seigneur, ce qui est écrit dans le Livre de la Colombe, ce qui a été imprimé: d'où prend naissance notre monde, pourquoi le soleil rouge brille, pourquoi la nouvelle lune brûle, pourquoi les étoiles drues brûlent, d'où prend naissance l'aurore, l'aurore et le crépuscule, d'où prennent naissance les vents sur notre terre, d'où prennent naissance les tonnerres sur notre terre, d'où prennent naissance les tsars sur notre terre, d'où prennent naissance les princes et les boyards sur notre terre, les paysans orthodoxes? »; alors que le Rivāyat procède-lui, tout comme le Vafthrudnirsmal, avec simplicité: « Cette (question): Comment et de quoi a été fait le ciel? »

    Nous sommes donc en droit de nous poser la question de l'existence d'un très ancien « traité » de théologie cosmogonique indo-européen qui employait la forme du « questions et réponses ».

     

    II. Transfert du mythe chez des peuples non-Indo-Européens

     

    Dans l'épopée estonienne du Kalevipoeg (canto VIII), texte plus ou moins authentique compilé au XIXe siècle, on trouve un passage qui ressemble singulièrement à notre mythe:

    « While the Kalevide lay asleep, he dreamed that he saw his good horse torn to pieces by wolves. And truly the horse had strayed away to some distance, when a host of wild animals, wolves, bears, and foxes, emerged from the forest. As the horse's feet were hobbled, he could not escape, and was soon overtaken. He defended himself as well as he could with hoofs and head, and killed many of the beasts; but he was finally overpowered by their ever-increasing numbers, and fell. Where he sank the ground is hollow, and a number of little hills represent the wolves killed in the struggle. The horse's blood formed a red lake, his liver a mountain, his entrails a marsh, his bones hills, his hair rushes, his mane bulrushes, and his tail hazel-bushes41. »

     

    Il est difficile ici de dire si ce passage est dû à une influence scandinave ou russe: les deux sont tout à fait possibles42. Mais ce cas montre bien que le mythe du Puruṣa a pu, évidemment, quitter le monde indo-européen.

    Le motif s'est transmis de l'Inde à l'archipel indonésien et est passé chez les Malais, depuis convertis à l'Islam. Toutefois un conte intitulé Histoire d'Indra djaya en conserve la trace, particulièrement entremêlée d'éléments musulmans et gnostiques :

    « Veuillez instruire votre esclave de la manière dont fut créée la terre. » Le prince lui dit : « Le puissant Jéhovah répandit une lumière sur les élémens (sic) encore informes de la terre ; cette lumière se fondit et devint un abîme d'eaux, la mer vaste et sans bornes. Puis il répandit son souffle sur l'étendue des eaux, et il s'en éleva de l'écume et de la vapeur. La mer fut créée avec ses sept étages, tous éloignés l'un de l'autre d'une distance de 500 ans de marche. La terre fut également formée de sept étages. Il déploya alors la terre sur l'océan, des lieux où se lève le soleil à ceux où il se couche ; mais le centre de la terre était encore vacillant, agité par les secousses de la profonde et large mer. Le puissant Jéhovah créa la montagne Kaf pour consolider la terre, l'entourer et la préserver des coups de vagues du vaste abîme. Des veines primitives du mont Kaf jaillirent alors une multitude d'autres montagnes hautes et larges qui rendirent la terre immobile. Par delà les limites du Kaf, est un vaste espace soixante-dix fois aussi grand que le monde : là, le sable et la poussière sont du musc ; l'herbe et les végétaux, du safran ; les pierres, des rubis et des émeraudes. Oui ma sœur, c'est ainsi. » La princesse répondit : « Ton esclave reçoit tes paroles et les place sur la pierre de son front. Oui mon frère ! Ton esclave désire encore savoir de quelle manière furent créés les sphères empyrées et cristallines, les anges et les amis (du prophète) ; de quelle substance ils furent formés. »

    Indra djaya répondit : « Voici quelles furent ces créations. Au commencement, le puissant Jehovah répandit une glorieuse lumière, une figure vivante de Mahomet. Cette figure illuminée, frappée du souffle du souverain maître de tous les mondes, fut agitée comme l'eau dans le chaudron bouillant. De la sueur qui couvrait la tête de cette figure, il forma les sphères empyrées et cristallines, la tablette des comptes, la plume qui va toute seule, le soleil, la lune et les étoiles et tout ce qui est dans la mer ; de la sueur qui en couvrait la poitrine, il forma tous les prophètes inspirés et tous les fidèles apôtres de la religion ; de la sueur qui en couvrait les sourcils, il forma tous les croyans des deux sexes ; de la sueur qui en couvrait les oreilles, il forma tous les juifs et les chrétiens ; et de la sueur qui en couvrait les pieds, il forma la terre de l'orient à l'occident avec tout ce qu'elle contient. Alors le puissant Jéhovah adressa cet ordre à la figure vivante, illuminée du prophète : 'Regarde derrière toi, devant toi, à ta droite et à ta gauche'. La figure illuminée, en regardant autour d'elle, aperçut une autre lumière éclatante qui représentait Abou-bekr, Omar, Oshman et Ali, les divins amis du prophète. Ce fut ainsi, ma soeur. »

    La princesse répondit : « Une nouvelle lumière a répandu ses rayons sur le cœur de votre esclave ! »43

     

    Curieusement, on retrouve ici, comme dans la version scandinave, l'idée d'une création par sudation. L'être lumineux gigantesque, bien qu'admis par l'Islam, a de fortes ressemblances avec l'Adam des gnostiques. Par contre, le géant n'est seulement pas à l'origine du monde, mais aussi de la société.

    Bien plus au sud, c'est probablement de cette Indonésie islamisée qu'est venue, à Madagascar l'histoire d'Adam et de ses sept femmes:

    « Je n'ai point voulu insérer dans la suite de cette Histoire une fable que les Grands d'Anossi faisaient accroire aux Nègres, afin de les ravaler au-dessous d'eux, qui est: que, Dieu ayant créé Adame de la terre, il lui envoya le sommeil pendant lequel il tira une femme de sa cervelle, de laquelle sont descendus les Roandrian, une autre femme du cou, de laquelle sont descendus les Anacandrian, une autre de l'épaule gauche, dont sont issus les Ondzatsi, une autre du côté droit, dont sont descendus les Grands Voadziri, qui sont noirs, une autre de la cuisse, de laquelle sont venus les Lohavohits, une autre du gras de la jambe, dont sont venus les Ontsoa, et une autre de la plante du pied, de laquelle sont issus les esclaves44. »

     

    Comme dans le mythe indien, ce « démembrement » d'Adam donne naissance aux différentes classes et aux différents groupes de la société malgache45.

    Cela fait bien sûr depuis le XIXe siècle que l'on a relevé la grande convergence qui existe entre le mythe indo-européen et le mythe chinois de Pangu. Les témoignages sur ce dernier sont nombreux46. Citons-en quelques uns, parmi les plus anciens:

    Yiwen leju, chap. 1, p. 2-3; Taiping yulan, chap. 2, p. 137:

    « Le ciel et la terre formaient un ensemble pareil à un œuf de poule. Pangu naquit en son milieu.

    Au bout de dix-huit mille ans47, le ciel et la terre se séparèrent. Le yang pur constitua le ciel et le yin grossier la terre. Pangu se trouvait en leur milieu.

    En une seule journée, il opéra neuf mutations (et devint) un esprit dans le ciel et un saint sur la terre. Chaque jour, le ciel s'élevait d'un empan; chaque jour, la terre s'épaississait d'un empan et chaque jour Pangu grandissait lui aussi d'un empan. Tout cela dura dix-huit mille ans. Le ciel fut alors immensément haut, la terre immensément profonde, Pangu immensément grand. Puis il y eut les trois augustes souverains... aussi, le ciel et la terre furent-ils distants de quatre-vingt-dix mille li48. »

     

    Sanwu liji:

    « Au temps où le ciel et la terre étaient un chaos (hundun) ressemblant à un oeuf, Pangu naquit dans celui-ci et y vécut dix-huit mille ans. Puis le ciel et la terre se constituèrent, les purs éléments Yang formèrent le ciel, les grossiers éléments Yin formèrent la terre. Pangu, qui était au milieu, se transformait chaque jour neuf fois, tantôt dieu dans le ciel, tantôt saint sur la terre. Le ciel, chaque jour, s'élevait d'une toise, et la terre s'épaississait chaque jour d'une toise. Il en fut ainsi durant dix-huit mille ans et alors le ciel atteignit à l'extrême de sa maturité49. »

     

    Yishi, chap. 1, p. 2a:

    « Le premier à naître fut Pangu. Lorsqu'il fut sur le point de mourir, il transforma son corps: son souffle devint les vents et les nuées, sa voix les éclats du tonnerre, son oeil gauche le soleil, son oeil droit la lune, ses quatre membres et les cinq (parties de son) corps les quatre extrêmes et les cinq montagnes sacrées, son sang et ses humeurs le fleuve Bleu et le fleuve Jaune, ses nerfs et ses artères les veines de la terre, ses muscles la glèbe des champs, ses cheveux et ses moustaches les astres et les repères sidéraux, les poils de sa peau la végétation, ses dents et ses os les métaux et les pierres, ses essences et sa moelle les perles et les jades, sa sueur et ses écoulements les pluies et les marais50. »

     

    Shuyi ji, chap. 1, p. 1a:

    « Les êtres vivant commencèrent avec Pangu, lequel est l'ancêtre des dix mille êtres de l'univers. Lorsque Pangu mourut, sa tête devint un pic sacré, ses yeux devinrent le soleil et la lune, sa graisse les fleuves et les mers, ses cheveux et ses poils les arbres et les végétaux. Les anciens savants affirmaient que les larmes de Pangu avaient formé le fleuve Bleu et le fleuve Jaune, que son souffle était le vent, sa voix le tonnerre; la pupille de ses yeux faisait jaillir la foudre, le ciel était clair quand il était content et sombre quand il se mettait en colère. Selon une croyance de l'époque des Ts'in et des Han, la tête de Pangu devint le pic sacré de l'Est, son ventre le pic du Centre, son bras gauche le pic du Sud, son bras droit le pic du Nord, ses pieds le pic de l'Ouest. Dans les pays (méridionaux) de Wu et de Tch'u, on raconte que Pangu et son épouse sont à l'origine du yin et du yang. [Ils furent le premier homme et la première femme]51. »

     

    Les textes plus récents, bouddhistes, ne gardent de Pangu que l'idée d'un pilier, dont la croissance permet au ciel de se séparer de la terre52. Il n'est plus à l'origine des différentes parties du monde. L'image de l'homme cosmique tend ainsi à s'effacer avec le temps53.

    L'origine de ce mythe en Chine a longtemps posé problème, d'autant plus qu'il n'a le plus souvent fait l'objet que d'une critique interne, sur la base de matériaux uniquement chinois et indiens. On pense ainsi qu'il a été apporté en Chine avec le bouddhisme, et certains suggèrent une influence tibétaine54.

    Il est pourtant possible de retrouver la trace d'intermédiaires, et ces intermédiaires n'existent pas dans les religions himalayennes. Certes on trouve en quelque sorte une allusion au mythe du Puruṣa dans une cosmogonie populaire des Kusle-Kâpâli, une secte de yogi Newar, au Népal, mais celui-ci n'est plus qu'une entité hermaphrodite primordiale, qui sera coupée en deux, et dont la moitié féminine sera, avec le créateur Nirañjan Nirakâr, à l'origine des dieux55. Au Tibet, on a parfois rapproché le mythe de Srin-mo, une démone qui s'identifie au pays, avec le Puruṣa, mais ses rapport sont finalement assez lointain56. Une version du Ladakh du Rgyal-rabs tibétain contient aussi des allusions à ce mythe, mais c'est là un texte très tardif (XIVe siècle au plus tôt)57. En définitive, la version la plus proche est un conte tibétain collecté au XIXe siècle par l'abbé Huc, un missionnaire:

    « Cependant, on sait que sous le ciel, il existe trois grandes familles; nous autres himmes de l'Occident, nous sommes tous de la grande famille thibétaine: voilà ce que j'ai voulu dire. - Aka, sais-tu d'où viennent ces trois grandes familles qui sont le ciel? - Voici ce que j'ai entendu dire aux Lamas instruits des choses de l'antiquité... Au commencement il n'y avait sur la terre qu'un seul homme; il n'avait ni maison, ni tente: car, en ce temps-là, l'hiver n'était pas froid, et l'été n'était pas chaud; le vent ne soufflait pas avec violence, il ne tombait ni de la pluie ni de la neige; le thé croissait de lui-même sur les montagnes, et les troupeaux n'avaient pas à craindre les animaux malfaisants. Cet homme eut trois enfants, qui vécurent longtemps avec lui, se nourrissant de laitage et de fruits. Après être parvenu à une très-grande vieillesse, cet homme mourut. Les trois enfants délibérèrent pour savoir ce qu'ils feraient du corps de leur père; ils ne purent s'accorder, car ils avaient chacun une opinion différente. L'un voulait l'enfermer dans un cercueil et le mettre en terre, l'autre voulait le brûler, le troisième disait qu'il fallait l'exposer sur le sommet d'une montagne. Ils résolurent donc de diviser en trois le corps de leur père, d'en prendre chacun une partie et de se séparer. L'aîné eut la tête et les bras en partage; il fut l'ancêtre de la grande famille chinoise. Voilà pourquoi ses descendants sont devenus célèbres dans les arts et l'industrie, et remarquables par leur intelligence, par les ruses et les stratagèmes qu'ils savent inventer. Le cadet, qui fut le père de la grande famille tibhétaine, eut la poitrine en partage. Aussi les Tibhétains sont-ils pleins de cœur et de courage; ils ne craignent pas de s'exposer à la mort, et parmi eux, il y a toujours eu des tribus indomptables. Le troisième des fils, d'où descendent les peuples tartares, reçut pour héritage la partie inférieure du corps de son père. Puisque vous avez voyagé longtemps dans les déserts de l'Orient, vous devez savoir que les Mongols sont simples et timides, ils sont sans tête et sans cœur; tout leur mérite consiste à se tenir fermes sur leurs étriers, et bien d'aplomb sur leur selle. Voilà comment les Lamas expliquent l'origine des trois grandes familles qui sont sous le ciel, et la différence de leur caractère. Voilà pourquoi les Tartares sont bons cavaliers les Thibétains bons soldats, et les Chinois bon commerçants58. »

     

    Certes, ce récit conserve une grande valeur trifonctionnelle, cependant il n'est plus un récit d'origine du monde, qui est alors déjà créé, mais une ethnogenèse. Au final, les peuples de l'Himalaya ont bien conservé l'idée d'un sacrifice fondateur par démembrement, mais pas dans le cadre de la cosmogenèse. Il semble alors peu évident que le mythe du Puruṣa ait été transmis à la Chine par cette région.

    La situation est tout autre en Asie du Sud-Est, où là nous disposons de documents intéressants, quoi que tardifs. Ainsi, une légende collectée chez les Mnongs du Vietnam pourrait bien être un vestige du mythe de l'Homme cosmique, à la manière du Gargantua français:

    « Autrefois la mer couvrait toute la contrée, aucune des puissantes montagnes qui jalonnent maintenant la région des Mnong n'avait encore fait son apparition; les peuples n'existaient pas. C'est alors qu'arriva, on ne sait d'où, un Cambodgien monté sur une vaste pirogue chargée de perles, ce cuivre, de sel et d'étoffes. Mais le bateau sombra et la terre se montra alors; le Yok Nap Lyir est l'embarcation elle-même et, maintenant encore, un homme juste peut, sur le dôme de la montagne, dans les rocs qui le couronnent, apercevoir le riche chargement du navire disséminé dans les trous et les cavités séparant entre eux les rochers. Malheureusement, les Mnong, cupides, s'étant rendu au pic pour s'emparer de ces richesses, le Bouddha en colère les fit disparaître et effaça de la mémoire des naturels la connaissance du sentier59. »

     

    Chez les Chams, autre peuple du Vietnam, les éléments se font plus précis. Les Chams ont possédé un important royaume sur le littoral sud-est, et leur religion officielle était l'hindouisme, avant que beaucoup d'entre eux ne se convertissent à l'Islam venu de Malaisie au XVIe siècle. Un de leurs textes sacrés, le Livre d'Anourchivan, montre justement un étrange syncrétisme entre des croyances appartenant au fond local et d'autres clairement hindouistes, le tout sous un rhabillage musulman, comme cela s'est fait, nous l'avons vu plus haut, chez les Malais. Le mythe du Puruṣa s'y exprime en plusieurs endroits, par exemples:

    « Ceci est la chronique de Pō Nagar Taha.

    Svasti! Siddhi! Au grand Anouchirvân! En toute lumière et vérité ce traité instruit manifestement l'humanité entière sur la création de la terre et de l'homme. Eternellement n'existait pas la terre, (mais il n'y avait que) les ténèbres et le chaos antiques. Elle sortit de l'essence de Dieu incréé, qu'en dessous rien ne supporte qu'au-dessus rien ne tient suspendu. Dieu créa Allah; créa Mahomet; créa Gabriel.

    Dieu créa ensuite Eve et Adam. Ainsi donc Dieu existait dans le chaos antique alors que n'existaient encore ni la terre, ni Adam, ni la pluie, ni le vent. C'est alors que de Dieu émanèrent le prophète Mahomet, le seigneur Gabriel, Eve et Adam. Donc Dieu les créa du néant. Ensuite Dieu divisa ce signe (l’œuf d'or, le germe d'or) en deux parties: d'un morceau fut la terre, et de l'autre le ciel, qui produisirent (à leur tour et séparément) la lune et le soleil. Donc ils émanèrent de ce signe magique.

    Puis Dieu créa en premier lieu (parmi les jours) le vendredi, en premier lieu (parmi les années) l'année cyclique du Serpent. Il créa ensuite les samedi, dimanche, lundi, mardi, mercredi et jeudi, qui ont leurs demeures localisées dans le corps de Dieu. Dieu créa les quatre seigneurs (les quatre premiers ancêtres), le jour saint du vendredi. Il brisa des morceaux du ciel pour en faire la mosquée, la chaire, le lecteur et l'imam. Dieu créa également la conque sacrée le vendredi. Puis il la remit à Gabriel, et les pieds de Gabriel sont orientés selon ce diagramme-ci ( ).

    [la création des diverses parties plus ou moins mystiques du monde se fait en soufflant dans la conque].

    « Si l'on vous demande: les bras et les jambes d'Allah, de qui sont-ils la demeure? Répondez: la demeure de ces quatre nabi, car le Svarga-Devata siège à l'épaule droite, le nabi Yonnōk à l'épaule gauche, le nabi Yonnōč au pied droit, le nabi Adam au pied gauche. C'est pourquoi, lorsque le prophète Abraham alla jusqu'au septième ciel, il y vénéra les quatre nabi et les quatre caractères cabalistiques qui leur sont unis pour les préserver des asuras, des démons et des raksas des morts.

    Si l'on vous demande d'où vient le ciel et d'où la terre? Répondez Le Svarga-Devata et le nabi Yonnök sont la souche céleste, le nabi Yonnōč et le Pō Adam sont la souche terrestre60. »

     

    Dans le même article, Durand publiait un commentaire contemporain qui montre que l'islam des Chams était alors très superficiel: le mythe du Puruṣa apparaît bien, mais dans une version où l'être primordial démembré est une femme, appartenant à un couple qui exprime à sa manière l'hermaphrodisme du Puruṣa:

    « Au commencement était Pō Yaṅ Pō, le dieu suprême. Il se tenait immobile au centre du Vide, ne portant rien sur sa tête et ne foulant rien sous ses pieds. Il engendra de sa substance Pō Alvahuk, principe masculin, et Pō Ratnö, principe féminin. En vertu de cette double émanation, il devint Pō Yaṅ Amô, le dieu-père.

    Or donc Pō Alvahuk venait de l'occident et Pō Ratnö de l'orient. Ils firent leur jonction au centre de l'hémisphère. La voyant si parfaitement belle, Pō Alvahuk désira Pō Ratnö. Mais elle ne consentit pas à son amour. Pris de fureur, Pō Alvahuk la coupa en quatre morceaux. Il lança le premier dans l'espace, et la terre fut [être féminin]; le second, et le ciel fut [être masculin]; le troisième, et la lune fut [être féminin]; le quatrième, et le soleil fut [masc.]. C'est pour cette raison que la terre, Pō Nögar Tahâ, a droit d'aînesse, d'où son titre de Patau Kamei, la femme-roi61. »

     

    Principes masculins et féminins primordiaux sont ici bien dissociés. Cette version semble en tout cas montrer que c'est du royaume cham qu'est originaire la version du mythe qui a été collectée dans les îles Mariannes, où l'on parle aussi une langue austronésienne:

    « Bei der Schöpfung von Himmel und Erde in der Leere lebend, beauftragte der weise Puntan beim Tode seine Schwester, aus Brust und Schulter Himmel und Erde, aus den Augen Sonne und Mond, aus den Augenbrauen den Regenbogen zu bilden62. »

     

    La transmission du mythe de l'ancienne Indochine à la Chine a pu se faire par la vallée du Tonkin, comme le montre une brève note de Bonifacy en 1906 au sujet des montagnards thai et mèo (miao) du haut Tonkin:

    « On croit, avec les Chinois, que la terre et le ciel furent créés par Ban có, dont le corps, les os, le sang formèrent la terre, les pierres, les eaux63. »

     

    Quoi qu'il en soit, il est donc vraisemblable que le mythe ne s'est pas transmis à la Chine avec le Bouddhisme, mais vraiment grâce à l'adoption par les anciennes population austronésiennes d'Indochine de l'Hindouisme. Le fait que le Bouddhisme chinois donne un autre aspect, totalement différent de celui plus ancien contenu dans les textes taoïstes, au mythe de Panku, pourrait bien être un indice de cela. Par contre, c'est grâce au Bouddhisme que ce motif est arrivé en Corée – et nous terminerons notre inventaire par cet extrême oriental –, où il a été retrouvé dans un mythe collecté au début du XXe siècle dans l'île de Cheju:

    « Quel dieu est arrivé le premier?

    Pango est arrivé le premier, sur cette terre. Sur son front, il y avait deux Confucius; derrière son front il y avait deux Bouddhas. Dans le palais du Dragon, un enfant vêtu d'habits bleus puisait de l'eau dans la voie lactée.

    Sur le front de Pango, il y avait deux Confucius. Dans la Mer de l'Est, il y avait deux lunes. Derrière le front de Pango, il y avait deux Bouddhas. Dans la Mer de l'Ouest, il y avait deux soleils. Ainsi, il y avait deux lunes et deux soleils dans le ciel. […]64 »

     

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    1Essentiellement Hoành-son, 1969 et Lincoln, 1975.

    21959, Paris, Le Seuil.

    3Tous mes remerciements vont à Nick Allen, pour ses compléments bibliographiques sur l'Himalaya et l'Inde, à Pierre-Yves Lambert, pour les textes irlandais et vieil-anglais, à Guillaume Oudaer, pour ses nombreuses suggestions, à Éric Pirart, pour les textes iraniens, à Claude Sterckx, pour ses encouragements, et à Jan Zouplna.

    4Les traductions citées ici sont de Dillman, 1991.

    5Boyer, 1992b, p. 189-190.

    6Kabakova, 2005, p. 24.

    7Bessonov, 1861, p. 285-292. 58 versions de ce chant ont été recensées par Dudko, 2008.

    8Lincoln, 1975, p. 123. La même erreur se retrouve dans Lincoln, 1991, p. 167 (avec une translittération fautive du titre russe); cf. Mallory et Adams, 1997, sv « Cosmogony », avec les mêmes erreurs. Bruce Lincoln se donne comme source l'article de Schayer, 1935, qui pourtant ne contient rien de ce genre!

    9Schayer, 1935, p. 322-323.

    10Andersen, 1983, p. 150.

    11Lincoln, 1975, p. 123.

    12Vaillant, 1952, p. XXI-XXII.

    13Turdeanu, 1981. Une part de ces textes était déjà connue au XIXe siècle de Jacob Grimm lorsqu'il recherchait des parallèles au mythe d'Ymir: Grimm, 2004, p. 565-574.

    142 versions sont recensées par Tristam, 1975, p. 122.

    155 versions recensées par Tristam, 1975, p. 123, avec au total 10 variantes selon les manuscrits.

    16Turdeanu, 1981, p. 407.

    17Ivanov, 1892, p. 90; Kabakova, 1999, p. 29-30.

    18Blaznev, 1892; Kabakova, 2005, p. 25. Il s'est tenu en 2012 en Sorbonne un colloque sur les mythes étiologiques dans les Balkans et en Europe dont les actes, lorsqu'ils seront publiés, pourrant probablement modifier la partie qui précède.

    19Le Roux et Guyonvarc'h, 1986, p. 305.

    20Le Roux et Guyonvarc'h, 1986, p. 305.

    21Voir par exemple l'Evangile de Philippe (IIIe siècle) dans la bibliothèque de Nag-Hammadi: Robinson, 1977, p. 131-151. Cependant, cette assimilation du Christ à un nouvel Adam est déjà sensible chez saint Paul, et est largement débattue chez Irénée de Lyon et son traité Contre les Hérétiques: Nielsen, 1968.

    22Brunet, 1889.

    23Turdeanu, 1981, p. 469 et suiv.

    24West, 1971. Il faut ajouter à ces textes un fragment d'Héraclite contenue dans le traité Sur la décade et les nombres qu'elle comprend d'Anatolius d'Alexandrie (IIIe siècle ap. JC): « Si l’on met à part, dans l'âme, la partie souveraine, il y en a sept autres, correspondant aux cinq sens, à la voix et à la génération. Dans le corps, il y a sept parties intégrantes : la tête, le cou, le tronc, les deux jambes, et les deux bras; — sept viscères : l'estomac, le cœur, le poumon, le foie, la rate, les deux reins ».

    25Sur les appareils et les fourneaux. Sur la lettre oméga, 9; Festugière, 1944, p. 268-270; Tardieu, 1974, p. 90, Mertens, 1995, p. 5.

    26Mertens, 1995, p. 91.

    27Cirillo, 2002, p. 219 et suiv.

    28Tardieu, 1974, p. 64, n. 88.

    29trad. Edouard des Places, 1976, Paris, Cerf.

    30Jensen, 1939.

    31Notons que Bruce Lincoln incluait ce mythe d'Hainuwele dans son corpus, alors qu'il n'a qu'un rapport assez vague, comme nous venons de le voir, avec celui du Puruṣa.

    32Yoshida, 1966; MacDonald, 2005; Prager, 2005.

    33trad. de Williams, 1990, p. 72-76.

    34Williams, 1990, p. 202-212.

    35Brisson, 1995.

    36Rig-Véda, 10.90. Trad. de Varenne, 1982, p. 215-217.

    37Serait-ce là la trace d'une possible influence des apocryphes sur le mythe d'Ymir? Mais la légende russe citée plus haut, mentionnant la construction d'un palais à l'aide d'os trouvés dans la terre semble montrer que l'élément se trouvait déjà présent.

    38Il est possible que les géants issus des aisselles et des jambes d'Ymir soient un lointain écho de ce motif, mais ils ne constituent pas une classe sociale, et sont éliminés lors du meurtre de leur procréateur, par un déluge de sang.

    39Lincoln, 1975, p. 129 et suiv.; en dernier lieu West, 2007, p. 356-359.

    40Trad. de Boyer, 1992, p. 521. Le texte est du Xe siècle.

    41Kirby, 1895, vol. 1, p. 59-60.

    42Nous n'avons rien hélas concernant les Baltes.

    43Nous citons ici la traduction vieillie mais unique, parue dans « Mélanges malays,... », 1832, p. 230-231.

    44De Flacourt, 1661, p. 109.

    45Notons au passage que les traditions juives orientales et musulmanes ont, par le biais de la figure d'Adam Kadmon, tendu dès l'Antiquité (pour les Juifs) à recréer elles-aussi l'idée d'un homme primordial macrocosmique. Il s'agit-là de spéculations savantes, qui n'ont sans doute que fort peu pénétré les croyances populaires: Ginzberg, 1901. Ainsi, selon un auteur arabe du XIe siècle, « Dieu créa la tête d'Adam et son front du sol de la Ka'ba, sa poitrine et son dos de celui du Temple de Jérusalem, ses cuisses de celui du Yémen, ses jambes de celui d'Égypte, ses pieds de celui du Hijâz, sa main droite de la terre d'Orient et sa main gauche de celle d'Occident. Puis il l'étendit à la porte du Paradis ». Fahd, 1959, p. 262.

    46Des Juifs anciennement installés en Chine ont d'eux-mêmes identifié leur Adam (Kadmon) avec Pangu: Eber, 1999, p. 30-31.

    47Traduction alternative de Kaltenmark: « Pangu naquit dans celui-ci et y vécut durant dix-huit mille années. Et lorsque que le ciel et la terre se constituèrent... ».

    48Mathieu, 1989, p. 28-29; Kaltenmark, 1959, p. 456.

    49Kalinowski, 1996, p. 50.

    50Mathieu, 1989, p. 29.

    51Kaltenmark, 1959, p. 457.

    52Dyer Ball, 1882, avec références antérieures.

    53Ce mythe du géant qui en grandissant sépare ciel et terre n'est d'ailleurs pas spécifiquement chinois. On en retrouve régulièrement des allusions dans le monde indo-européen, mais il est aussi très présent en Asie du Sud-Est. Par exemple chez les peuples aborigènes du Vietnam et du Cambodge, Mnong, Sré et Cau Maa': Dournes, 1990, p. 165; Maurice, 1993, p. 655; Boulbet, 1967, p. 15-16 et 39-41.

    54On laissera malheureusement de côté la piste possible des Tokhariens, ancien peuple indo-européen du Tarim, lequel n'a laissé derrière lui que des textes bouddhiques qui ne nous apprennent rien sur la possibilité de l'existence, probable mais incertaine, de ce mythe dans cette région.

    55Bouiller, 1993, p. 79-81.

    56Gyatso, 2003. Pour d'autres mythes de fondation par démembrement en Inde, au Népal et au Tibet: Allen, 1981.

    57MacDonald, 1959, p. 433.

    58Huc, 1857, p. 164-165.

    59Maître, 1912, p. 24.

    60Durand, 1907, p. 328-355.

    61Durand, 1907, p. 322.

    62Bastian, 1883, p. 95.

    63Bonifacy, 1906, p. 304.

    64Yim, 1976, p. 53-54.

  • Julien d'Huy - Polyphemus (Aa. Th. 1137)

    Polyphemus (Aa. Th. 1137)
    A phylogenetic reconstruction of a prehistoric tale

    Julien d’Huy,

    Institut Marcel Mauss (UMR 8178) - Équipe LIAS -

    École des Hautes Études en Sciences Sociales (France)

    dhuy.julien@yahoo.fr

    http://ehess.academia.edu/JuliendHuy

     

    Abstract: Mythology, like genetics and language, provides essentials elements in the understanding of human history; phylogenetic trees based on mythological versions can allow to reconstruct the history and prehistory of human cultures right back the Palaeolithic period. Indeed, mythological versions are highly conservative. We also can reconstruct the primitive version of a mythological family using phylogenetic reconstructions of ancestral state.

    Keywords: mythological structure; mythological evolution; evolution; phylogenetic comparative method; networks; cultural phylogenetics; cultural evolution; ancestral state; vertical transmission; ancestral state; Polyphemus.

    Résume: La mythologie, comme la génétique et les langues, fournit des éléments essentiels à la compréhension de l'histoire humaine. Des arbres phylogénétiques basés sur des versions mythologiques peuvent permettre de reconstituer l'histoire et la préhistoire de cultures humaines en remontant jusqu'à la période paléolithique. En effet, les versions mythologiques sont très conservatrices. Nous pouvons également reconstruire la version primitive d'une famille mythologique à l'aide de reconstructions phylogénétiques d'un état ​​ancestral.

    Mots clés : structure mythologique; évolution mythologique; évolution; méthode comparative et phylogénétique; réseaux; phylogénétique culturelle; évolution culturelle, état ancestral ; transmission verticale; état ancestral, Polyphème.

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    Cité par / Quoted by:

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    The Finnish school, which has an empirical and positivistic approach, tried to trace, collect and categorize all the variants of a story to reconstruct its history. It tried to establish the pure primeval tale (Urmärchen) from which the versions are originated. Despite the initial enthusiasm, the reconstructive ambitions of the Finnish school have been strongly criticized.

    Criticisms of this method can be divided into four main categories: first, it gives a preponderant influence to oral tradition vs. literacy influence; second, the attempt to find the place of origin of tales seems to be doomed to failure, because the evidence has not been evenly collected among countries; third, the tale travelled independently of human migrations; fourth, there is no attempt to effect a reduction that would show how two or more seemingly different themes stand in a transformational relationship to each other.

    Recent progresses relating to the development of computational pylogenetic tools, however, may help to resolve the main four problems faced by the Finnish school. First, phylogenetic methods analyze taxa as brothers or cousins, and not in parentage (Levi-Strauss 2002); we also don’t need to presume a gap between the true folktale and literary adaptations. Second, the problem of the origin can be solved by analyzing discrete characters to find the best possible tree. Third, the mythological evolution doesn’t need to follow the same way than the genetic evolution; moreover, computational methods can be used to verify that there is a real tree-like signal in the data. Fourth, there are at least two additional principles (variation and selection) of the folklore transmission being compatible with both evolutionist and structural treatments: the more two myths diverge or transform each other, the more distant is their genetic relationship, geographically and temporally (d'Huy 2012d).

    There are many parallels between the process of biological and mythological evolution (d'Huy 2012a, b, d, 2013; see the table) and tools from evolutionary biology are being imported to analyze linguistic and cultural phenomena (Nunn 2011). Additionally, one of the key things about evolutionary science involve reconstructing ancestral states. We also can use phylogenetic comparative methods to make inferences about what thefirst version of a myth was like in the past and how it has changed over time. The main challenge in this research will be the lack of empirical data: prehistoric mythologyleaves almost no traces.

    Fig.1.: Myths, like biological species, evolve by a process of descent with modification.
    Many parallels can be drawn.

    GENETIC SYSTEMS

    MYTHS

    Discrete heritable units: e.g. the four nucleotides, codons, genes and individual phenotypes.

    Discrete heritable units: e.g. the mythemes, motifs, tale-type.

    Mechanisms of replication by transcription and reproduction.

    Imitation, teaching and learning.

    Slow rate of evolution.

    Fast or slow rate of evolution.

    Parent-offspring, occasionally clonal.

    Parent-offspring, generational transmission, teaching, writing (more recent).

    Mutations (e.g. point mutations, insertions, deletions, loss of heterozygosity).

    Innovations (e.g. recastes, variations, mistakes)

    Natural selection of traits (individuals who possess certain variants of the trait survive and reproduce more than individuals who possess other variants).

    Social selection of traits (e.g. societal trends, conformity, respect of tradition)

    Allopatric or sympatric speciation.

    Geographical or social separation.

    Hybridization.

    Mixture between two myths.

    Horizontal transmission (e.g. hybridization, transposons and viruses).

    Imposition or extralineal borrowing.

    Geographic cline.

    Mythological transformations.

    Fossils.

    Ancient myths that have survived in written form.

    Extinction.

    Myths death.

     

    The reconstruction of Polyphemus tale is a textbook case. Many researchers have tried to reconstruct the protomyth, the significance which lies at the root of the story, albeit unsuccessful (for a review, see: Glenn 1978). The most complete attempt for reconstructing the first version of Polyphem was the Hackman's historical and geographical approach (Hackman 1904). Hackman supposed that the original form included i/ the blinding of the giant without his consent, ii/ the flight of the hero under the belly of a ram, iii/ the moment at which the hero gives a false name, iv/ the magic ring episode. According to Hackman, the versions would have travelled to northern Europe via Asia Minor or Greece. Yet Hackman's conclusions were based on statistical criteria that are unclear. Moreover, the author encountered difficulties to arrive at a precise definition of the “original version” of Polyphemus story because of the total lack of explanation for the criteria used to limit the number of versions included into the corpus (Calame 1995: 143). The problem of the physical, geographical origin of the story also seems insoluble (Glenn 1978).

    We defined the Polyphemus type as a tale in which a person gets into a homestead – a master of animals' or a monstrous shepherd’s; the host can kill the hero, but he escapes sticking to the hair of an animal who is going out or under an animal’s skin. We tried to solve the specific type of problems we were facing by using powerful statistical tools that are normally used in biology.

    We first tested the hypothesis that mythemes, as genes, retained a phylogenetic signature with 79 mythemes in 24 versions of Polyphemus tales belonging to the European and North Amerindian areas (d'Huy 2012c). We used a phylogenetic algorithm, Bio Neigbor Joining (implemented in the program Splitstree 3.2.) to explore global patterns of Polyphemus tales. We obtained a main delta-score of 0.2924. The method scores individual taxa from 0 to 1; a relatively high delta score (close to 1) shows a strong conflicting signal in the data(Holland et al. 2002); it also can be used to estimate the degree of conflict (Gray etal. 2010). The tree obtained agreed with a logical and historical reconstruction of the myth. Moreover, our results showed that the diversification of Polyphem versions was consistent with the distribution of the haplogroup X2. This haplogroup was present in the prehistoric Europe (Lacan et al. 2011, Deguilloux etal. 2011), and has moved from Beringia directly to the North American regions around 18.000 BC, before the Bering land bridge disappeared (Perego et al. 2010).

    We decided to go further. We created a new and bigger database including many typological variations of the Polyphemus versions. The data used came from Ojibwa people (Désveaux 1988 : 83), Atsina people (Kroeber 1907: 65-67), Niitsítapi people (Wissler et Duvall 1908: 50-52), Kootenays people (Boas 1918: 213-219, 303-304), Jicarilla Apache people (Goddard 1911 : 21), Kiowa people (Parsons 1929 : 21-26), Lipan Apache (Opler 1940 : 122-125), Homer’s Odyssey (book IX), a medieval French text (Li romans de Dolopathos written by Jean de Haute-Seille), from Oghuz Turks people (Book of Dede Korkut), Berbers (Germain 1935), Palestinian-Israelian people (Patai 1998 : 31-32), Syrian people (Prym et Socin 1881: 115), Serb people (Karadschitsch 1854: 222-225, Krauss 1883: 170-173), modern Greek people (Athens: Drosinis 1884: 170-176; Cappadocia: Dawkins 1916: 551; Chios: Ludwig 1863: 287-289), Albanian people (Comparetti 1875: 308-310), Ossetian people (Dirr 1922 : 262), Abaza people (Colarusso 2002: 200-202; Dumézil 1965: 55-59; ; also named Nart 1 and 2 in the text), Mingrelia people (Frazer 1921: 449-450), Italian people (Abbruzzo : Nino 1883 : 305-307; Sicilian: Crane 1885: 89), Russian people (Ralston 1873: 178-181; Karel 1907: 38-39), Sami people (Poestion 1886: 122-126), Lithuanian people (Richter 1889: 87-89), Hungarian people (Stier 1857: 146-150), Romanian people (Grimm 1857: 15-16), Basque people (Cerquand 1992; Vinson 1883: 42-45; Webster 1879 : 4-6), Gascon people (Bladé 1886 ; Dardy 1884), Swiss people (Abry 2002 : 58), English people (Baring-Gould 1890) and West Highlands people (Campbell 1860 : 105-114).

    A structural questionnaire of Polyphemus type was developed on the basis of the known variations in the studied versions. The questions focused on mythemes that are irreducible, unchanging elements in a story. Logically dependent features were eliminated. The mythemes were coded as presence (1) or absence (0) for each version to produce a binary matrix of 98 mythemes in 44 versions. The code incorporated data uncertainty (with the symbol ?).

    Each mythology borrows mythsfrom neighboring cultures in various contexts.Yet examining network of versions using NeighborNet with Splitstree3.2. reveals a moderate tree-like signal in the tree (fig.2). The resulting network reflects a real (but not dominant) conflicting signal found in structural traits (box-like structures). We must also stress the fact that versions are organized at a very high level with an Eurasian and an Amerindian cluster. Additionally, the graph correctly brings some of the versions together into well-known language or cultural families, with Basque people (Basque people Cerquand B, C, D / Basque people Webster), Gascon people (Gascon 1 and 2), Mediterranean people (first cluster : Greek 1, Berber 3, Serbian ; second cluster with a Berber / Italian group), Black Sea people (first cluster : Mingrelia / Ossetian ; second cluster : Abaza 1 / Oghuz turk), Apache people (Lipan apache and Jicarilla apache) and Algonquian people (Ojibwe / Niitsitapi / Kiowa 1 and 2 / Atsina). Mixed groups could be due to rapid population expansions, conflicting stronger signals (that may be produced by borrowings) and/or non-tree-like descent process (such as hybridization with another myth). Yet these data provide a strong argument in favour of a deep stability of myths.

     

     

    Fig.2: Splits graphs showing the results of NeighborNet analysis.
    The delta score was 0.3639 and the average Q-residual = 0.03148.
    The network shows the signal of grouping mythological versions.

    Fig.2.jpg

     

    The data was then analysed in the phylogenetic package Mesquite 2.75 using a simple model to calculate the parsimony treelength of the tree and matrix (treelength: 334). Then the tree was rearranged by subtree pruning and regrafting. Finally, we rooted the tree between the Ojibwa and the Valais (fig.3).

     

     

    Fig.3: Parsimony tree rooted with both Ojibwa and Swiss versions.

     

    Fig.3.jpg

    According to the Sapir's age-area hypothesis, the area of greatest divergence in a linguistic family is said to point to the original homeland of the family; when we look at the tree, the greatest divergence is evidently between Ojibwa version and the rest of the family; consequently, the Ojibwa version is the most archaic Amerindian version. The Valais is probably the most archaic European version; it is intermediate between European and Amerindian corpus, with a master of the beasts similar to Amerindian versions. Additionally the closeness in our previous work between Ojibwa and Valais versions corroborates this hypothesis (see d’Huy 2012c).

    To check the results, we used MrBayes 3.2.1. to infer the posterior distribution of phylogenetic tree for the 44 versions. We run an ordinary MCMC (Markov Chain Monte Carlo) analysis for 15.000.000 generations. The trees were sample every 1.000 generations. At the end of the run, the average standart deviation of split frequencies was 0,0053. The fact that stationary had been reached was controled with Tracer 1.5.0. Summaries were based on a total of 22.502 samples from 2 runs. Each run produced 15.001 samples of which 11251 samples were included. The tree was rooted with the Valais people version (fig.4).

     

    Fig.4: Consensus tree from the Bayesian analysis of Polyphemus versions.
    Node labels show posterior probability (the number is a ratio of one).

     

    Fig.4.jpg

    The Retention Index (RI) for the tree calculated with Mesquite 2.75 was 0.612 for the Mesquite tree (fig.3), and 0.792 for the Bayesian tree (fig.4). The RI measures the degree to which each traitis shared by two or more taxa and their most recent common ancestor, whose own ancestor in turn does not possess the trait (synapomorphy). An RI close to 1 is the sign of a tree with a stable and slow evolution; conversaly, an RI close to 0 is the sign of a tree with an unstable or a fast evolution. The both RI we obtain (0.612 / 0.792) are similar or greater than the mean RIs for the biological data sets presented by Lycett and al. (2009), whose main RI is 0.61. The Lycett's biological data sets was probably structured by speciation. So the horizontal transmission (from mother to daughter populations) should be the dominant evolutionary process in both biological and mythological data (see also d’Huy 2012d, e, 2013). Additionally, we obtained a delta-score of 0.3639 for the figure 2. The mean delta-score for European versions was 0.33, and the mean delta-score for Amerindian versions was 0.29. We can conclude that Amerindian mythology is more conservative than the European one.

    The trees obtained with Mesquite (fig.3) and MrBayes (fig.4) are not exactly similar. Yet they also are partially consistent with our previous results; the results show a remarkably consistent pattern geographically speaking (North America / Europe; nearest geographical versions tended to form sister clades); the geographical area of the myth is consistent with the haplogroup X2 area in both North America and Europa; Swiss and Ojibwa versions conserve their most archaic place and their proximity can not be explained by a recent areal contact; the closeness between Gascons and Berbers (d'Huy 2012c) is confirmed. On figure 3 and 4, red branches are located in northeastern North America ; orange branches represent the southern region of United States of America ; yellow branches represent the north western regions of United States. Cyan branches represent the Swiss region ; blue branches represent the Mediterranean Sea area ; magenta branches represent the Black Sea area ; Sienna branches are located in northeastern Europe : green branches are located in the Pyrenean area ; grey branches represent the north-western Europe.

    According to Malhi and Smith (2002), haplogroup X may have had much more expansive distribution in North America and probably in Europa. The Great Lakes and Near East were probably only a refugium, and not the starting point of initial expansion. So a map that exactly superposed the current haplogroup X diffusion and the Polyphemus versions occurrences don't make sense. Yet haplogroup X is one of the bigger haplogroup among many Amerindian tribes who know the Polyphemus stories, the Algonquian peoples – Ojibwa (25.7%), Niitsítapi (100% but only one sample has been tested), Atsina (11.1%) -, the Kiowa (40%) and the neighboring tribes of Kootenays: the Nuu-Chah-Nulth (11%-13%) and the Yakama (5%) (Smith et al. 1999). Moreover, versions of tribes with haplogroup X are the first branching in the phylogenetic trees, so thse versions probably appear at the beginning of the Amerindian expansion. Strong concentration of haplogroup X2 is also found in the Near East, the Caucasus and Mediterranean Europe; and currently the haplogroup X2 is less strongly present elsewhere in Europe, probably because the last maximum glacial. It is also found among the Berber. Consequently, its expansion agreed with the studied versions area.

    Phylogenetic approaches have already provided many insights into the origin and distribution of language and culturally transmitted objects (for a synthesis, see Nunn 2011). Yet, to the best of our knowledge, it is the first time that a geographical distribution pattern allows a phylogenetic reconstitution to go back in time to the Palaeolithic period (to take another mythological instance, see d’Huy 2012d, 2012e).

    A historical interpretation of the European branches is problematic. In the first version, conserved in Switzerland, the monster is a master of beasts; this version is largely lost. It could happen during the Late Glacial Maximum when population density in Northern Eurasia decreased. The populations that migrated toward the South (Syria, Greece) probably preserved at least partially the primitive story. Then a new version where the monster was a shelter may be disseminated thanks to successive migrations from the Mediterranean area: with the first migration, the myth was transmitted to northern regions (Lithuanian, Hungarian, then Russian and Lapp); with the second migration, the myth was transmitted to the Gascony ; with the third migration, the myth was transmitted to the Basque area, then in the Black Sea area and in the north-western Europe. Note that links between the Ancient Greek trading cities along the Black Sea cost and the ancestors of the Northwest Caucasian peoples are undoubtedly due to extensive borrowings and influences in the myths of both peoples (Colarusso 2002: 202), e.g. Abaza people 1 and Mingrelia.

    The tree with branches proportional to lenghts (fig. 4) shows correlation between total path length from the root of the tree to its tips and number of speciation events (“node”) (fig.5). In other words, where many new mythological versions (“nodes”) appear, there is more total mythological change (longer path lengths). In evolutionary biology, this link indicates a punctuated equilibrium effect (Webster and al. 2003). According to this theory, most species don't change much for the greater part of their geological history; this state is called stasis. When significant evolutionary change occurs, it is generally restricted to rare and very fast events of branching speciation. If correct, newly sister mythological versions tend to diverge rapidly, and are followed by extended periods of stability with little net evolutionary changes. This punctuational effect may thus reflect a human capacity to enhance both the group identity and the identification of individuals with this group (we think that versus they think that)1 or it may be due to a mythological founder effect (d'Huy 2012e). The rest of the time, mythological versions remains inchanged for long period of time, sometimes for thousands of years.

     

     

    Fig.5: Root-to-tip path length against number of nodes along each path.

     

    Fig.5.JPG

     

    To control the absence of the “node-density artifact” (a well-known artifact of phylogenetic reconstruction that may lead us to believe in a false punctuated equilibrium effect), we calculated the coeficient of determination (R²). An R² near 1.0 indicates that a regression line fits the data well, while an R² closer to 0 indicates a regression line does not fit the data very well. The R² with a linear regression is bigger than the R² with a logarithmic regression. The tree also doesn't seem to show the curvilinear trend that characterizes the node-density artifact (Venditti and al. 2006).

     

    Fig.6: Coeficient of determination of the linear regression (R²)

     

    linear function

    logarithm

    European versions

    0,74

    0,66

    North Amerindian versions

    0,89

    0,87

    European and North Amerindian versions

    0,6

    0,57

    We used two phylogenetic comparative methods (Maximum Likelihood with model Mk1 and Parcimony reconstructions) implemented in Mesquite 2.75 to examine the probable form of the first state of the Polyphemus family. We applied these phylogenetic reconstruction methods to each mythems of the family. Then we only selected highly confident reconstructed mythems with more than 50% probability with both methods. In the text, we underline mythems with more than 75% probability; the logical connective written in brackets remains just suggestions.

     

    There are at least two monsters; they live in a tent and possess a herd of wild animals. Animals are locked. The hero is a hunter. He enters in the homestead of the monster uninvited, with the express purpose of stealing something, animals or treasure. [Then] the entrance is blocked with a great stone or a locked door. A monster tries to kill the hero and checks the animals that go away. The hero escapes by hiding under the belly of an animal.

     

    This abstract is reconstructed as a simplified version of the Urmärchen. Of course, it is important to remember that the real protomyth probably was as rich in complexity as the versions upon which the reconstruction is based. This protomyth informs us about what Palaeolithic European speakers saying. For instance, it documents evidence for a belief in a master of beasts.

    The phylogenetic models used in this paper allowed us to: make accurate inferences about human migration (our data independently corroborate a common and prehistoric origin of Amerindian and European haplogroup X2) taking into account the probability; test the impact of mythological borrowings between neighbouring tribes and the part of similarities appearing by chance; show that mythology evolves in punctuational burst; reconstruct palaeolithic states of a mythological family with quantification of confidence .

     

    The author thanks Jean Peyresblanques and Patrice Lajoye for their help.

     

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    1. For instance, a story of the origin of fire can be told by an amerindian to offset another story by an indian of another tribe (Goddard 1904: 197).

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    Roger D. Woodard, Myth, Ritual and the Warrior in Roman and Indo-European Antiquity (2013 - Guillaume Oudaer).

    Jean-Loïc Le Quellec, Jung et les archétypes. Un mythe contemporain (2013 - Patrice Lajoye)

    E. J. Michael Witzel, The Origins of the World's Mythologies (2014 - Julien d'Huy, Patrice Lajoye et Jean-Loïc Le Quellec)

    Fernando Wulff Alonso, The Mahābhārata and Greek Mythology (2014 - Christophe Vielle)

    Bernard Sergent, L'Origine celtique des Lais de Marie de France (2014 - Patrice Lajoye)

    Frédéric Blaive et Claude Sterckx, Le Mythe indo-européen du guerrier impie (2014 - Patrice Lajoye)

    Grigory Bondarenko, Studies in Irish Mythology (2015 - Guillaume Oudaer)

    Yuri Berezkin, Afrika, migracii, mifologija (2015 - Patrice Lajoye)

    Valéry Raydon, Le Mythe de la Crau: archéologie d'une pensée religieuse celtique (2015 - Guillaume Oudaer)

    Viktoriya et Patrice Lajoye, Sadko et autres chants mythologiques des Slaves de l'Est (2015 - Guillaume Oudaer)

    Marie-Christine Fayant (éd.), Hymnes orphiques (2015 - Patrice Lajoye)

    Valéry Raydon, Le Chaudron du Dagda (2015 - Guillaume Oudaer)

    Marco V. García Quintela et François Delpech, El Árbol de Guernica. Memoria indoeuropea de los ritos vascos de soberanía (2015 - Patrice Lajoye)

    Marcel Meulder, Quelques parallèles entre les mythes grec de Persée et celte de Lugh (2015 - Patrice Lajoye)

    H. E. Chenabi et Grace Neville (éd.), Erin and Iran: Cultural Encounters between the Irish and the Iranians (2016 - Guillaume Oudaer) 

    Paul Schubert (éd.), Anoubion. Poème astrologique. Témoignages et fragments (2016 - Patrice Lajoye) 

    Andre-Yves Bourgès et Valéry Raydon (dir.), Hagiographie bretonne et mythologie celtique (2016 - Guillaume Oudaer)

    Wékwos 1 et 2 (2016 - Guillaume Oudaer)

    Lise Gruel-Apert, Le Monde mythologique russe (2017 - Patrice Lajoye)

    Esma Hind Tengour, L'Arabie des djinns. Fragments d'un imaginaire (2017 - Louise Gallorini)

    Mineke Schipper, Ye Shuxian et Yin Hubin (éd.), China's Creation and Origin Myths (2018 - Patrice Lajoye)

    Emily Lyle (dir.), Celtic Myth in the 21st Century. The Gods and their Stories in a Global Perspective (2018 - Guillaume Oudaer)

    Bruce Lincoln, Politique du paradis. Religion et empire en Perse achéménide (2018 - Éric Pirart)

    Bernard Chouvier, Le Pouvoir des contes (2018 - Patrice Lajoye)

    Guillaume Ducœur et Claire Muckensturm-Poulle (dir.), La Transmigration des âmes en Grèce et en Inde anciennes (2018 - Patrice Lajoye)

    Juan Antonio Álvarez-Pedrosa Núñez (dir.), Fuentes para el estudio de la religión eslava precristiana (2018 - Patrice Lajoye)

    Jiří Dynda, Slovanské pohanství ve středověkých pramenech (2018 - Patrice Lajoye) 

    Boris Czerny, Contes et récits juifs et ukrainiens du pays houtsoule (2018 - Patrice Lajoye)

    Comparative Mythology 1 et 2 (2018 - Guillaume Oudaer)

    Daniel Gricourt et Dominique Hollard, Les Jumeaux divins dans le festiaire celtique (2018 - Guillaume Oudaer)

    Jean-Loïc Le Quellec et Bernard Sergent, Dictionnaire critique de mythologie (2018 - Patrice Lajoye)

    Anders Hultgård, Midgård brinner. Ragnarök i religionshistorisk belysning (2019 - Mahdî Brecq)

    Valéry Raydon, Le Cortège du Graal: du mythe celtique au roman arthurien (2019 - Guillaume Oudaer)

    Galina Kabakova, D'un Conte à l'autre (2019 - Patrice Lajoye)

    Judith Kalik et Alexander Uchitel, Slavic Gods and Heroes (2019 - Patrice Lajoye)

    Bernard Sergent, Les Dragons. Mythes, rites et légendes (2019 - Guillaume Oudaer et Dominique Hollard) 

    Patrice Lajoye, avec la collaboration de Nick J. Allen et Aleksandr Koptev (éd.), Mélanges en l'honneur de Dean A. Miller (2019 – Guillaume Oudaer).

    Claude Sterckx, La Neuvième vague et autres essais sur le légendaire celtique en Bretagne (2019 - Patrice Lajoye).

    Patrice Lajoye (ed.), New Researches on the Religion and Mythology of the Pagan Slavs (2019 - Guillaume Oudaer).

    Comparative Mythology 5 (2020, Guillaume Oudaer).

    Jiří Dynda, Slovanské pohanství ve středověkých ruských kázáních (2020, Patrice Lajoye).

    N. J. Allen, Arjuna-Odysseus. Shared Heritage in Indian and Greek Epic (2020, Guillaume Oudaer).

    Mémoires du Cercle d'Études mythologiques, XXIX (2020, Patrice Lajoye).

    Karapet Melik-Ohandjanian, Les Fous de Sassoun, épopée nationale arménienne (2020, Patrice Lajoye).

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    Ollodagos, vol. XXXV (2023, Patrice Lajoye)

    Frédéric Armao, Uisneach or The Center of Ireland (2023, Guillaume Oudaer)

    Julien d'Huy, Cosmogonies. La Préhistoire des mythes (2023, Patrice Lajoye)

    Julien d'Huy, L'Aube des mythes. Quand les premiers Sapiens parlaient de l'au-delà (2023, Patrice Lajoye)

    Krešimir Vuković, Wolves of Rome. The Lupercalia from Roman and Comparative Perspectives (2023, Dominique Briquel)

    Iaroslav Lebedynsky, Akinakès. Une histoire des épées divines (2024, Patrice Lajoye)

    Ollodagos XXXVI (2024, Romain Ravignot)

    Jean-Pierre Devroey, De la Grêle et du tonnerre. Histoire médiévale des imaginaires paysans (2024, Patrice Lajoye)

    Mark Norman, The Folklore of Devon (2024, Patrice Lajoye)

    Jean-Louis Brunaux, La Cité des druides. Bâtisseurs de l'ancienne Gaule (2024, Patrice Lajoye)

    Eugème Warmenbol et Julie Cao-Van (éd.), Les Celtes et le cheval (2024, Romain Ravignot)

    I Quaderni del Ramo d’oro, numero speciale III, 2023, (2025, Pierre Sauzeau)