Viktoriya et Patrice Lajoye, Sadko et autres chants mythologiques des Slaves de l'Est (Biélorussie – Russie – Ukraine), Lisieux, Lingva, 2015.
L'ouvrage dont il est question ici est la suite d'un précédent travail d'édition et de traduction des mêmes auteurs qui portait uniquement sur la littérature épique russe, en particuliers les récits concernant le héros Ilya Mouromets1. Le présent travail se veut plus étendu, comme nous l'expliquent ses auteurs dans leur introduction. Ainsi, la thématique fait ici la part belle à la mythologie et celle-ci n'est plus simplement russe, mais aussi ukrainienne et biélorusse. La mythologie dont il est question ici est une mythologie secondaire, car puissamment affectée et remodelé par la tradition judéo-chrétienne, mais ayant gardé de nombreux éléments préchrétiens. La spécificité de cette tradition rend les commentaires qui concluent chaque chant particulièrement précieux dans l'optique de leur mise en perspective.
En ce qui concerne le contenu de ce recueil, celui-ci s'ouvre sur un premier chapitre constitué de chants ayant un caractère cosmogonique marqué (Créer le monde et l'ordonner). Puis, c'est au tour des croyances eschatologiques concernant le prophète Élie d'être examinées (Mettre fin à ce monde). Suivent alors les traditions concernant le Danube personnifié (Fleuves et rivières). Les chants qui suivent, concernant des héros marins – dont le Sadko du titre, sont eux d'une tonalité plus épique (Sur la mer). De même, le chapitre suivant est composé de chants qui concernent des héros de la cour du prince Vladimir, dont la tradition est l'équivalente kiévienne de celle du roi Arthur (À la cour du prince Vladimir de Kiev). La partie suivante est constituée de récits divers qui sont de parfaits exemples de fusions d'éléments disparates et d'âges variés (Une mythologie secondaire). Enfin, la dernière partie (En guise de conclusion) est constituée de deux courts chants à la tonalité épique.
En ce qui concerne les commentaires, ils accompagnent la plupart des chants et sont plus ou moins longs. Ils remettent les textes dans leur contexte culturel et font la part belle au comparatisme. Les traditions que nous font découvrir les auteurs permettent ainsi des rapprochements intéressants avec notamment les mythologies celtiques, indo-iraniennes et scandinaves.
Cependant, on regrettera que les variantes de certains textes existant en plusieurs versions n'apparaissent pas plus, ce qui aurait donné des informations complémentaires des plus utiles.
Il n'en reste pas moins que le travail de Viktoriya et Patrice Lajoye est un apport majeur pour notre domaine puisqu'il donne accès à des textes mythologiques peu connus des chercheurs non-slavisants.
Guillaume Oudaer
1Viktoriya et Patrice Lajoye, Ilya Mouromets et autres héros de la Russie ancienne, Anarchasis, Toulouse – Marseille, 2009.