Paul Schubert (éd.), Anoubion. Poème astrologique. Témoignages et fragments, 2015, Paris, Les Belles Lettres.
Dans le domaine de cette forme à la fois savante et populaire de la religion qu’est l’astrologie, on connaît bien (ou on croit bien connaître) la Tétrabible de Claude Ptolémée. Il y eut bien d’autres théoriciens célèbres de l’astrologie antique, à côté du « Divin Ptolémée » : Anoubion est de ceux-là.
Anoubion était d’abord connu comme personnage secondaire d’un roman chrétien, les Homélies du pseudo-Clément, où il apparaît parmi les partisans de Simon le Magicien. Mais au fil des découvertes papyrologiques, on a pu retrouver finalement des fragments d’un poème astrologique qui lui est attribué.
Mais la tâche est rendue complexe par le fait que le poème d’Anoubion partage nombre d’éléments communs avec entre autres un poème astrologique de Dorothéos de Sidon et avec un passage de la Mathesis de Firmicus Maternus. De fait, tous semblent dériver d’un original commun, hellénistique mais attribué à Néchepsos-Pétosiris. De ce fait, on peut ici saluer le formidable travail d’enquête mené par Paul Schubert, qui, même s’il s’appuie évidemment sur les travaux antérieurs, parvient à proposer, à partir de deux témoignages et d’un fragment, le synopsis du poème d’Anoubion, et ainsi à attribuer à tel ou tel fragment papyrologique, nécessairement anonyme et lacunaire, une place dans cet ensemble complexe.
Ce travail fastidieux est nécessaire, car il nous aide à comprendre toute la complexité de l’astrologie antique à l’époque romaine. De fait, dans sa longue introduction (144 pages fort denses), Paul Schubert nous offre une présentation éclairante de ce qu’était l’astrologie, tant en Mésopotamie, qu’en Égypte puis en Grèce, tout en nous montrons la synthèse qui en fut faite en Égypte à l’époque hellénistique, notamment à Thèbes, ville où a vraisemblablement vécu Anoubion. Car si dans ces trois zones géographiques, on a observé les étoiles pour en tirer des présages, on ne l’a pas fait selon les mêmes méthodes de calcul. Il revient aussi sur les origines de l’astrologie antique, qui bien sûr se perdent dans la nuit des temps. Mais si le premier témoignage semble dater de la fin du IIIe millénaire, dont durant la période sumérienne, les premiers vrais horoscopes ne sont connus qu’en 410 avant J.-C. Les horoscopes grecs et égyptiens sont encore plus tardifs, et s’il a pu sembler que l’astrologie grecque a pris le relais de son homologue mésopotamienne, cela ne reste qu’une impression, car les modes de calcul (géométrique pour la première, arithmétique pour la seconde), ne sont pas du tout les mêmes.
On ne saurait négliger, y compris dans le domaine de la mythologie comparée, l’importance qu’a eu l’astrologie. On sait combien l’astrologie égyptienne, par exemple, a pu rayonner dans le monde antique : qu’on en juge avec la découverte dans la ville-sanctuaire de Grand (Vosges) de tablettes astrologiques égyptiennes en ivoire, porteuses de notations en copte ancien (mais en caractères grecs)1. Cette forme de religiosité populaire a nécessairement eu une influence.
Patrice Lajoye
1Jean-Claude Goyon, « L'origine égyptienne des tablettes décanales de Grand (Vosges) », in Les Tablettes astrologiques de Grand (Vosges) et l'astrologie en Gaule romaine, Paris, De Boccard, 1993, p. 63-76.