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(Review) Yuri Berezkin - Afrika, migracii, mifologija

berezkin_afrika_obl.jpgYuri Berezkin, Afrika, migracii, mifologija. Arealy rasprostranenija fol'klornyx motivov v istoričeskoj perspektive [Afrique, migration, mythologie. Les aires de diffusion des motifs folkloriques dans une perspective historique], 2013, Saint-Pétersbourg, Nauka, 319 p.

Notre revue a déjà pu accueillir un travail du russe Yuri Berezkin, qui, avec l'aide de ses collègues et étudiants, catalogue depuis des années un vaste corpus de mythes et contes du monde entier (plus de 50000 textes résumés à la date de la publication du présent ouvrage, consultables ici)

En 2013, la branche pétersbourgeoise des éditions Nauka a publié un premier essai de synthèse analytique, un volume d'à peine plus de 300 pages, mais d'une grande richesse. L'auteur cherche à y déterminer les mécanismes, les voies et les dates de la diffusion des mythes dans le monde, un essai rendu possible justement par la taille de son corpus et par l'utilisation d'outils cartographiques et statistiques : de nouvelles méthodes que nous essayons nous-mêmes de développer en ces pages. Et ses résultats, s'appuyant sur de nombreuses cartes détaillées, sont intéressants. Tout comme E. J. Michael Witzel avait tenté de le montrer, il prouve l'existence de deux grands blocs mythologiques, formés lorsque l'homme s'est répandu hors d'Afrique et clairement distinguables lorsque l'auteur s'intéresse aux mythes anthropogoniques (p. 136-151). Mais il ne s'arrête pas à ce constat. Il montre ainsi que les derniers pics glaciaires ont contribuer à isoler plusieurs grands ensembles, et que l'étude de la mise en contact de ceux-ci, après la fonte des glaces, est aussi à aborder, car il n'y a rien de statique. Il montre ainsi que si l'homme est sorti d'Afrique, il y est aussi revenu : par le Nord, en colonisant le Sahara, par l'Est aussi (ce qui explique la présence de motifs asiatiques en Afrique). Il montre aussi, comme avait pu le faire Jean-Loïc Le Quellec dans un travail récent1, l'impact qu'a pu avoir la colonisation des espaces libérés par les glaces.

Le seul reproche que l'on pourra faire au travail de Yuri Berezkin porte finalement sur la sélection des mythes utilisés dans cette première approche, puisqu'il ne s'agit essentiellement que de ceux mettant en œuvre des éléments naturalistes (récits cosmogoniques ou étiologiques, contes animaliers) : les mythes à caractère épique ou merveilleux n'étant abordés que durant une vingtaine de pages. Mais il faut bien dire que le travail n'en est qu'à ses débuts, et qu'il reste encore nombre de motifs, dans le catalogue établi par l'auteur, qui restent à cartographier et analyser. Un travail de titan !

Afrika, migracii, mifologija est donc au final un travail fondamental, son seul défaut majeur étant d'être publié en russe – mais l'ouvrage dispose de deux pages de résumé anglais, et les cartes sont légendées dans cette même langue –, et donc de n'être quasiment pas accessible du public hors des frontières de la CEI. Une traduction en anglais – ou, soyons fou, en français ! – serait donc particulièrement bien venue.

 

Patrice Lajoye

1« Une chrono-stratigraphie des mythes de création », in Yves Vadé (dir.), Mémoire culturelle et transmission des légendes, 2014, Paris, L'Harmattan, « Eurasie », p. 51-72.

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