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  • Bernard Sergent - Toribúgu, Hèraklès et Brian

     

    Toribúgu, Hèraklès et Brian

    Bernard Sergent

     

    CNRS UMR 7192 « Proche-Orient, Caucase, Iran : continuités et diversités »

     

     

     

    Abstract: The Bororo mythology has many affinities with the Greek mythology, especially the stories related to the hero Herakles or that which have some relations with him. A version of the Bird Finder myth published by Albisetti and Venturelli in 1969 confirms this: it shows remarkable similarities with Herakles Works'. This article expose them and draw the historical conclusion.

    Keywords: Bororo, Herakles, Mythological relationship between Eurasia and America.

    Résumé:La mythologie bororo présente de nombreuses affinités avec la mythologie grecque, en particulier avec des histoires qui concernent le héros Hèraklès ou sont en relation avec celui-ci. Une version du Dénicheur d’oiseaux publiée par Albisetti et Venturelli en 1969 le confirme : elle présente des points communs remarquables avec l’histoire des Travaux du même Hèraklès. Le présent article les expose, et en tire la conclusion historique.

    Mots clés : Bororo, Hèraklès, parentés mythologiques Amérique-Eurasie.

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    Cité par / quoted by:

    Hans Jørgen Lundager Jensen, « Maria Magdalena i Provence: Tribal og post-aksial askese », Religionsvidenskabeligt Tidsskrift, 64, 2016,p. 96-120.

     

    Dans un livre rédigé durant les années 2007-2009, intitulé Gargantua, Jean de l’Ours et le Dénicheur d’oiseaux, je me fondais au sujet de ce dernier avant tout sur les travaux de Claude Lévi-Strauss, qui, dans les tomes I, Le Cru et le cuit, et IV, L’Homme nu, de ses Mythologiques, établissait un dossier aussi complet que possible (à son époque) du mythe du Dénicheur d’oiseaux1, mais, le temps ayant passé, j’avais cherché à vérifier si d’autres versions du Dénicheur d’oiseaux en Amérique avaient été publiées dans l’intervalle, plutôt qu’à savoir s’il en existait des variantes chez les Bororo, puisque c’était précisément un mythe de ce peuple qui ouvrait toute la recherche donnée dans ces quatre tomes que possible2.

    Mon livre notait les points communs remarquables, et bien surprenants, étant donné la distance géographique des deux peuples, que la mythologie des Bororo offre avec celle des Grecs (je les rappelle ci-dessous)3.

    Mais c’est postérieurement à la publication de ce travail que j’ai pris connaissance du recueil des mythes bororo établi par Johannes Wilbert et Karin Simoneau en 1983, et où figure une nouvelle version du Dénicheur d’oiseaux, consignée par César Albisetti et Ângelo Venturelli dans le tome II de l’Enciclopédia Bororo paru en 1969. Cette version développe les épreuves du Dénicheur d’oiseaux de ce peuple du sud du Brésil, plus que la version utilisée par Lévi-Strauss en 1964, elle-même prise dans un ouvrage des mêmes auteurs de 1942. Or, cette seconde version fait du Dénicheur d’oiseaux des Bororo un véritable prototype de l’Hèraklès grec, comme je vais le montrer ici.

    Cela ne doit plus surprendre à priori, puisque déjà, précisément, mon livre paru en 2009 soulignait les curieux rapprochements possibles entre mythologie bororo et mythologie grecque que voici :

    - le mythe du Dénicheur d’oiseaux bororo comprend le motif des vautours secourables qui, après avoir déchiqueté le postérieur du héros, soulèvent celui-ci avec leurs becs et vont le déposer à terre. Ce motif rappelle une méthode de chasse aux aigles amérindienne, que Lévi-Strauss a étudiée principalement chez les Hidatsa, également connue, au moins comme motif mythique, en Amérique du Nord chez les Assiniboine, Pieds-Noirs, Menomini, Omaha, Arapaho, et, en Amérique du Sud, chez les Čoroti, Nivakle et Tapiete du Chaco, et chez des peuples de langue tupi-guarani du même secteur - Apapokuva, Mbya, Tembé, Guarayu. Dès 1971, Marcel Detienne soulignait qu’un mythe grec en est exactement une autre version : le héros Phulios, amoureux d’un nommé Kugnos (« Cygne »), doit accéder à ses demandes, et l’une d’elles est de capturer vivants des vautours énormes. Il se couvre du sang d’un lapin (tué par un aigle) et fait le mort. Les vautours s’abattent sur lui, et il en saisit deux par les pattes. Phulios est donc à la fois gibier et chasseur (comme le Dénicheur d’oiseaux bororo : mangé par les vautours, puis sauvé par eux, et il avait été chasseur juste auparavant, v. ci-dessous). Or, notait M. Detienne, « ce double statut offre la plus grande ressemblance avec celui qu’impose la chasse aux aigles chez les Hidatsa de l’Amérique du Nord », puisque chez ceux-ci « le chasseur d’aigle se dissimule dans une fosse, tandis que l’oiseau est attiré par un appât situé au-dessus. Quand il s’approche pour le saisir, le chasseur l’attrape avec les mains nues »4. Cette chasse est précédée d’un long rituel, dont un élément est une première chasse, pour attraper l’animal qui servira d’appât : de même la chasse aux vautours de Phulios a été précédée de la capture, par un aigle, du lièvre dont le sang a permis au héros de se transformer en appât.- Une autre version grecque (ou bien anatolienne) était localisée à Ephèse, sur la côte égéenne de l’Anatolie. Deux hommes, ayant repéré un nid d’abeille dans un creux de falaise abrupte, décident d’aller y prendre le miel, et l’un d’eux descend avec une corde ; il trouve de l’or dans la cavité, le fait remonter par son compagnon, qui aussitôt après lâche la corde. L’homme, isolé dans la cavité à flanc de falaise, découvre, par un rêve où il est conseillé par Apollon, le seul moyen de s’en sortir : il se lacère le corps avec un caillou tranchant et fait le mort. Des vautours s’abattent sur lui « comme sur un cadavre », ils « accrochèrent leurs serres les uns dans ses cheveux, les autres dans ses vêtements, le soulevèrent sans mal dans le vallon voisin »5. Il n’y a pas besoin d’insister sur les points communs entre cette histoire et le mythe des Bororo : les vautours viennent pour manger, comme ceux du mythe bororo l’ont effectivement fait, et deviennent pourtant salvateurs, comme le deviennent eux aussi ceux de ce mythe. Quant à la quête de miel, elle apparaît en liaison avec le thème du Dénicheur d’oiseaux dans certaines versions sud-américaines, par exemple de peuples du Chaco6.

    - l’isolement du Dénicheur d’oiseaux bororo sur un plateau rocheux, ce qu’il fait et ce qui lui arrive rappellent un mythe grec précis : celui du héros Philoctète. Je le résume : héritier de l’arc et des flèches d’Hèraklès, accompagnant les Grecs partant pour faire la guerre à la ville de Troie, Philoctète fut mordu par un serpent, soit au cours d’un sacrifice, soit alors qu’il lavait une statue divine. Or, si des morsures de serpent se produisent dans d’autres mythes grecs, cette fois-ci, et uniquement cette fois-ci, la blessure n’entraîna pas la mort mais causa une odeur épouvantable, telle que les autres chefs grecs ne pouvaient la supporter, et choisirent de laisser Philoctète dans l’île de Lemnos, située dans le nord de la mer Egée, et alors déserte. Il y subsista dix ans, se nourrissant des oiseaux qu’il fléchait.

     

    Les points communs, chacun d’entre eux étant quasi exclusif, entre l’histoire de Philoctète et celle du Dénicheur d’oiseaux bororo sont les suivants : a) Isolement sur une terre encerclée d’eau (l’île, en Grèce) ou de falaises (le plateau, chez les Bororo) ; b) Survie grâce à la chasse à l’arc (hérité en Grèce, fabriqué chez les Bororo) ; c) l’odeur épouvantable : dans le mythe Bororo, le héros a chassé des lézards, les a fixés à sa ceinture, mais ils pourrissent, et exhalent « une si abominable puanteur que le héros s’évanouit »7. Cette odeur est donc la cause de l’isolement en Grèce, antérieure à la chasse qui permet au héros de vivre, elle est la conséquence de son isolement et de sa chasse, dans le récit bororo.

    - le mythe bororo se termine par la vengeance du héros. Revenu chez lui, il envoie une tempête qui éteint tous les feux du village sauf celui de sa grand-mère, laquelle l’avait aidé de manière décisive, et tous les habitants du village viennent la voir pour rallumer leurs foyers. Un second mythe était raconté en Grèce au sujet de l’île de Lemnos, et il comprenait lui aussi le motif de la mauvaise odeur (cette fois attribuée aux femmes). À la suite de cela (en grec la dysosmie), comme les hommes ne voulaient plus approcher leurs femmes, elles décident leur massacre général. Mais une jeune fille non mariée, Hupsipulè, veut sauver son père, le roi Thoas, et elle le déguise en le dieu Dionysos avec des éléments végétaux, puis elle l’installe sur un radeau en mer. Ces événements étaient célébrés par une fête annuelle (ou ayant lieu tous les neuf ans) et elle comprenait l’extinction de tous les feux et leur rallumage rituel à un seul feu. Or, le mythe bororo comprend lui aussi l’extinction de tous les feux (à cause d’une tempête se produisant au retour du héros à son village) suivi d’un rallumage à un seul feu, celui de la grand-mère et protectrice du héros, puis le déguisement du héros se fait de faux andouillers grâce à la branche ramifiée d’un arbre - donc là aussi des éléments végétaux -, ce qui lui permet de tuer son père en le jetant dans un cours d’eau8. Il y a à la fois parallélismes et inversions : Thoas est sauvé par sa fille, le héros bororo protégé par sa grand-mère ; Hupsipulè met son père sur l’eau pour le sauver, le héros bororo met son père dans l’eau pour le tuer ; les éléments végétaux protègent le premier père, et entraînent le décès du second ; à la fin du récit le héros boboro se venge des épouses de son père, tandis que dans l’histoire lemnienne les femmes massacrent les hommes leurs époux.

    - dès le livre de 2009, je notais, à partir de la version citée par Lévi-Strauss dans son livre de 1964, des points communs entre le même mythe bororo et l’histoire d’Hèraklès. Je dois ici me citer, et d’abord résumer le mythe en question : un jeune homme ayant suivi les femmes qui allaient en forêts se procurer des palmes (pour une cérémonie initiatique des garçons), il en profita pour la violer. Son père découvre l’affaire, et entreprend diverses opérations pour condamner son garçon. Il l’envoie d’abord au nid des âmes (car les âmes des Bororo sont des aras), pour qu’il en rapporte le grand hochet de danse. Le jeune homme, inquiet, demande avis à sa grand-mère, et celle-ci lui conseille de faire réaliser l’opération par l’oiseau-mouche. Ce qui a lieu. Lorsque l’oiseau repart avec le hochet, les âmes le flèchent, mais il va si vite qu’il leur échappe. Le père demande alors à son fils d’aller au même endroit prendre le petit hochet des âmes, et tout cela se déroule de la même façon, l’animal auxiliaire étant ici une colombe. Il lui faut alors aller s’emparer, toujours au même endroit, de sonnailles en sabots de caetetu (un petit porcin), l’animal qui opère était cette fois la grande sauterelle, plus lente mais cuirassée. Ce n’est qu’en quatrième lieu que le père du héros organise l’expédition de chasse aux œufs d’aras, qu cours de laquelle il abandonnera son fils sur la falaise où se trouve le trou où les aras avaient fait leur nid.

    J’écrivais alors :

    « Hèraklès est célèbre par les Travaux, au nombre de dix ou de douze, que lui a imposés son cousin, le roi de Mycènes Eurysthée. Toutes les fois, Eurysthée essaie de faire tuer Hèraklès, comme le père de Geriguiguiatugo [ou Toribogu, deux des noms du Dénicheur d’oiseaux bororo] veut aussi faire tuer celui-ci. Dans la liste canonique des Travaux d’Hèraklès, le quatrième devait être de chasser les oiseaux du lac Stymphale, dans le nord de l’Arcadie. Il s’agit de cette même région sauvage... où se déroulaient les rites initiatiques des habitants de l’Argolide quand, à l’époque dite mycénienne, l’Arcadie du nord était inhabitée. Pour faire sortir les oiseaux des forêts environnantes, Hèraklès utilisa des castagnettes, données par Athèna, ou faites par lui-même9 ; il n’eut alors aucun mal à les flécher, ou bien il les chassa par le bruit même de ses instruments10 ; selon une variante, ces oiseaux (dont l’espèce n’est jamais précisée) avaient des plumes en acier, très acérées, et ils les lançaient comme des flèches sur les ennemis11.

    On a donc, dans ce mythe grec, concernant le maître de Philoctète, et dans le mythe Bororó, plus précisément dans la première partie de ce mythe du Dénicheur d’oiseaux qu’on comparait à l’instant à celui de Philoctète :

    - le séjour aquatique des oiseaux à affronter (âmes, [dont le séjour est aquatique12, et qui sont des aras13] ; oiseaux du lac Stymphale) ;

    - l’intervention de castagnettes ou sonnailles : objet de la quête, dans le mythe bororó ; moyen de la chasse, dans le mythe grec ;

    - le fléchage : seulement des âmes vers les alliés du héros, à savoir les deux fois des oiseaux, dans le mythe bororó ; d’Hèraklès vers les oiseaux, et des oiseaux vers Hèraklès, dans le mythe grec ;

    - l’invulnérabilité : les flèches lancées par les âmes ne blessent ni les oiseaux ni la sauterelle, dans le mythe bororo ; les plumes lancées comme des flèches par les oiseaux du lac Stymphale n’atteignent pas Hèraklès ;

    - sans doute, des âmes en tant qu’ennemies dans l’un et l’autre mythes : c’est explicite du côté Bororó, et demande un brin d’explication du côté grec. Lorsque Pausanias arrive à Stymphale, au cours de son exploration de la Grèce au IIe siècle de notre ère, il voit, au sommet du temple d’Artémis Stumphalia à Stymphale, petite localité riveraine du lac du même nom à l’époque historique, des acrotères en forme d’oiseaux, représentant ceux du lac mentionnés dans le mythe, et, au pied du bâtiment, « des statues de jeunes filles en marbre blanc à pattes d’oiseaux, qui se dressent à l’arrière du temple »14. J’ai interprété ces figures comme le début de la métamorphose de jeunes filles en oiseaux : car Artémis est la patronne des métamorphoses et des initiations féminines, initiations qui comprennent elles-mêmes souvent des métamorphoses15. De son côté, dans son étude de la religion grecque en Arcadie, ma collègue Madeleine Jost a vu dans ces statues des représentations de sirènes16. Voici qui intéresse directement la comparaison ici opérée, car on tient couramment les sirènes grecques pour des formes des âmes des morts, d’autant qu’elles figurent souvent dans l’art funéraire17. Or, il n’y a pas incompatibilité entre l’interprétation de Mme Jost et la mienne : les Sirènes, chantant sur le rivage, dans l’Odyssée, sont bien à la fois des images des âmes et la projection d’un chœur de jeunes filles18. Ainsi, le héros Bororó va chercher des instruments de musique chez les âmes, et Hèraklès chasse avec un instrument de musique homologue des jeunes filles en cours d’initiation, métamorphosées en oiseaux, et images des âmes des morts19 ;

    - enfin, si le mythe bororó couvre non seulement les deux principaux mythes grecs concernant l’île de Lemnos, mais également un élément de celui d’Hèraklès, un autre rapprochement est envisageable : on sait qu’Hèraklès, à qui sa femme avait envoyé un manteau imbibé du sang du Centaure Nessos, se sentit brûlé dès qu’il le revêtit, et, ne pouvant le retirer, décida de se faire incinérer sur un bûcher, avec l’aide, précisément, de Philoctète. Dans un mythe bororó, distinct de celui du Dénicheur d’oiseaux, dans le temps passé, les hommes du clan appelé Bokodori étaient des esprits qui vivaient dans des huttes faites de duvets et de plumes, et appelés « nids d’aras ». Ils fabriquaient des objets de parure. Mais un jour une femme les espionna, malgré l’interdit fait à ce sexe de connaître ces secrets. Les hommes décidèrent alors de se jeter ensemble dans un bûcher ardent ; ils en sortirent transformés en oiseaux : ara rouge, ara jaune, faucon, épervier, aigrette…20. Les oiseaux sont présents dans le mythe de Geriguiguiatugo, et les âmes sont des aras : ce mythe se rattache donc au précédent. Dès lors, on voit que, pour les Grecs anciens et pour les Bororó, à cause d’une femme des hommes se sont jetés volontairement sur un bûcher, et ont connu, par cette action, une renaissance, comme oiseaux chez les uns, comme dieu associé à Zeus au ciel chez les autres.

    L’homologie entre la mythologie des Bororó et un secteur délimité de la mythologie grecque est donc étonnante21. ».

     

    Ainsi notais-je quelques points communs entre Hèraklès et le ou les héros bororo. La version d’Albisetti et Venturelli à laquelle je faisais allusion ci-dessus, publiée postérieurement au premier tome des Mythologiques de Lévi-Strauss, permet d’aller plus loin. Voici un résumé substantiel de la première partie.

    Le héros s’appelle ici Toribúgu. L’initiative sexuelle ne vient pas alors de lui, mais de sa belle-mère, car son père, Kiáre Wáre, s’étant remarié à la mort de sa première épouse, la nouvelle appréciait Toribúgu. Un jour, elle le pare, le peint et lui demande de dormir avec elle. A son retour à la hutte, Kiáre Wáre est intrigué par la présence de duvet blanc à la ceinture de son épouse. Comme dans la version citée par Lévi-Strauss, il fait organiser une danse, et identifie son propre fils comme le seul coupable possible. Il n’a de cesse alors de le faire tuer.

    a) [le séquençage est le mien] le père souhaite que les plus féroces bêtes dévorent son fils, et lui demande de la viande de jaguar. Conseillé par sa grand-mère maternelle, le garçon fait une très bonne chasse, et rapporte de la viande de fauve.

    b) Son père l’envoie ensuite chercher les sonnailles pour la danse chez les âmes. Sur le conseil de sa grand-mère, Toribúgu demande à Mamóri, la grande locuste, de s’en charger. Lorsque l’insecte parvient chez les âmes, elles dorment, et il peut s’emparer de l’objet, mais les sonnailles sont du bruit, les âmes se réveillent en faisant « Um, um, um ». Elles couvrent Mamóri de flèches ; celles-ci ne l’arrêtent pas ni ne le tuent, mais laissent les marques qu’il a désormais sur les ailes. Le héros peut donner les sonnailles à son père.

    c) Kiáre Wáre dit alors à son fils : « Je voudrais manger les noix du palmier babassu qui a poussé tout droit au milieu du marécage et est gardé par les esprits buiógoe ». La grand-mère a cette fois l’idée qu’on envoie l’araignée Ieragádu, accoutumée à marcher sur l’eau, avec sur son dos l’écureuil Kodokódo, qui pourra grimper au tronc et cueillir la noix. Tout se passe comme prévu, sinon que l’écureuil mange un morceau de noix, dont un fragment tombe à l’eau et cela réveille les esprits. Ceux-ci font monter l’eau qui submerge tout jusqu’au sommet du palmier. Kodokódo a pu s’y réfugier, et est sauf. Il repart sur le dos de l’araignée...

    d) C’est alors, ultime épreuve, que se situe l’épisode « Dénicheur d’oiseaux »22.

    On comparait ci-dessus l’épisode de la quête des sonnailles dans le récit bororo et le combat des oiseaux du lac Stymphale, dans le mythe grec, quête qui comprend le don au héros de castagnettes et leur utilisation contre les oiseaux. Il est certain que, quelle que soit la nature exacte des instruments de musique à percussion mentionnés, ils sont bien proches.

    Mais la version Albisetti-Venturelli offre des points communs bien plus nombreux, et tout aussi précis, avec le mythe des Travaux d’Hèraklès.

    a) la première épreuve imposée par Eurysthée à Hèraklès est la capture du lion de Némée : il s’agit donc d’affronter, du côté bororo, le plus grand fauve d’Amérique du Sud, de l’autre côté, le plus grand fauve, également un félin, connu des Grecs. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’une chasse proche : Toribúgu va dans la forêt, celle qui entoure tout village bororo ; Némée est une ville d’Argolide, comme Mycènes, d’où part Hèraklès à chaque épreuve. La forêt et Némée se distinguent des pays des étapes ultérieures, marqués par la distance réelle ou symbolique (pays des âmes et des esprits, Arcadie et Elide, autres mondes, etc.).

    b) le second épisode réunit les sonnailles, les oiseaux à combattre qui sont des âmes, leur séjour aquatique, le motif de la pluie de flèches, toutes choses qui se retrouvent en Grèce en une seule occasion, l’un des travaux d’Hèraklès.

    c) Le troisième épisode, qui manque dans la première version publiée du mythe bororo du Dénicheur d’oiseaux, évoque directement un autre mythe grec, et c’est à nouveau l’un des travaux d’Hèraklès. Parmi les épreuves que lui impose Eurysthée, il y eut la quête des pommes d’or du jardin des Hespérides. Le dit jardin se trouvait sur une île, à l’extrême-occident. Elles étaient dans un arbre, lequel était gardé, non seulement par trois jeunes femmes, les Hespérides, mais aussi par un dragon.- L’homologie avec les motifs de l’épisode bororo est patente : Toribúgu doit aller sur une île, au milieu d’un marécage (les Bororo, à la différence des Grecs, n’ont pas de mer ou d’océan à leur disposition), pour y prendre des fruits situés sur un arbre, et gardés par les esprits buiógoe. Hèraklès tue ou endort le dragon qui gardait l’arbre. Les esprits buiógoe dormaient et, malgré leurs efforts, ils ne peuvent empêcher le succès de l’écureuil. Ils étaient au pied de l’arbre, et de même, la céramique grecque, lorsqu’elle a figuré les Hespérides, l’arbre avec ses pommes et le dragon, a toujours placé celui-ci au pied de l’arbre.

    Trois des épreuves coïncident ainsi, jusque dans des détails, dans les mythologie grecque et bororo.

    d) Pour la quatrième, il faut parler d’inversion, au sens lévi-straussien du terme, et celle-ci a précisément été envisagée par le grand savant. Cette quatrième épreuve est donc celle de la quête d’oisillons dont le nid était en altitude, ce qui a donné son nom au motif et au personnage. Dans la mythologie grecque, la dernière épreuve imposée à Hèraklès23 (ou l’avant-dernière, selon les versions, la douzième étant celle des pommes des Hespérides) consistait à aller aux enfers chercher le chien qui en gardait l’entrée, Kerbèros. Les textes insistent sur la notion de descente : Hèraklès a gagné le sud du Péloponnèse, car près du cap Tainaros se trouvait une caverne par laquelle on pouvait descendre jusqu’aux enfers ; mais les gens de la ville d’Hérakléa du Pont possédaient une « Bouche d’enfer » près de leur cité, et disaient qu’Hèraklès était par là descendu aux enfers et en était remonté. La dernière épreuve du mythe du Dénicheur d’oiseaux consiste au contraire en une ascension : le héros est envoyé par son père en altitude, et abandonné.

    C’est en 1991, dans Histoire de Lynx, que Claude Lévi-Strauss, s’interrogeant sur la différence entre emprunt (de contes européens par les Amérindiens du nord) et parenté (entre mythologie amérindienne et traditions eurasiatiques), remarque qu’« une des différences les plus manifestes entre le mythe américain du dénicheur et le conte français des Princesses délivrées du monde souterrain est que, toujours sur l’axe vertical, la disjonction du héros se produit de bas en haut dans l’un, de haut en bas dans l’autre. Chaque fois le héros, habitant du monde moyen, change d’univers : il s’élève [dans certaines des versions d’Amérique du Nord] jusqu’au monde céleste, ou s’enfonce dans le monde souterrain. Ici et là des animaux plus ou moins empressés, mais en fin de compte secourables, l’aident à redescendre dans le monde terrestre ou bien à y remonter »24.

    C’est ce texte qui fonde mon travail de 2009, au long duquel j’étudie les points communs entre le thème du Dénicheur d’oiseaux et le conte eurasiatique de Jean de l’ours (le héros de l’histoire des Princesses délivrées du monde souterrain). La légende d’Hèraklès est bien différente, mais le raisonnement de Lévi-Strauss s’applique entièrement : la dernière épreuve du héros Bororo est son envoi en altitude, la dernière épreuve d’Hèraklès est son envoi en profondeur.

    Dans l’un et l’autre mythes, on passe donc de la disjonction horizontale courte (la forêt, Némée) aux disjonctions horizontales lointaines (pays des âmes, lac Stymphale ; île aux noix, île aux pommes) et de là à la disjonction verticale. Enfin, si le héros bororo reçoit abondamment l’aide d’animaux, qui se substituent à lui dans la réalisation des épreuves (sauf la première), Hèraklès reçoit – version modernisée – l’aide de divinités, Athèna surtout, et aussi Hermès ou le soleil, et bien sûr Zeus son père.

    Dans une étude publiée en 1992, je montrais les points communs entre les travaux d’Hèraklès et les épreuves subies par un héros irlandais, Brian, dont un rival, Lug, voulait se débarrasser par vengeance. A un certain degré, cette version irlandaise est intermédiaire entre le récit bororo et le mythe grec : ainsi, pour s’emparer - eux aussi - de trois pommes, Brian et ses deux frères se changent en faucons et vont les cueillir, alors qu’Hèraklès va chercher les pommes sous sa forme parfaitement humaine, tandis que Toribúgu envoie des animaux à sa place. Les frères sont alors poursuivis par les trois filles du roi du pays (de même qu’il y a trois Hespérides), changées en griffons, et qui lancent contre les trois faucons des rayons de feu brûlant : motif des flèches des âmes (des aras) et des oiseaux du lac Stymphale. Ce parallélisme garantit que ces oiseaux utilisaient bien leurs plumes d’acier comme projectile, même si plusieurs sources le taisent. Hygin, le premier à le mentionner, avait d’excellentes sources grecques.

    Je concluais cette étude, qui incluait aussi une récit iranien de métamorphoses guerrières, sur l’existence d’un mythe indo-européen dont les versions irlandaise avec Brian, grecque avec Hèraklès, et iranienne constituaient autant de reflets.

    L’existence de la version bororo recueillie et publiée par Albisetti et Venturelli élargit considérablement le débat. Si l’on exclut qu’un missionnaire ou un coureur des bois ait enseigné aux Bororo une version des Travaux d’Hèraklès si orthodoxe qu’on y trouvait correctement le lion de Némée comme première épreuve et la descente aux enfers, alors curieusement transformée en ascension, comme épreuve finale, ce qui est bien improbable, alors force est de considérer que les Bororo connaissaient une histoire très proche de celle qu’on trouve dans les mythologies grecque et irlandaise. Cette histoire, ils l’avaient héritée de leurs ancêtres - et il faut remonter dans un passé lointain, car elle est si proche des récits de Grèce et d’Irlande qu’il faut penser qu’ils la connaissaient déjà au temps où les Amérindiens étaient en Asie, donc au Paléolithique, temps auquel la famille linguistique indo-européenne ne s’était sans doute pas encore individualisée.

    Je conclus alors (comme je l’avais fait dans le livre cité de 2009, mais ici sur un point particulier) : l’Eurasie du Paléolithique racontait déjà une histoire d’épreuves imposées successivement à un jeune homme par un aîné - en fait un maître d’initiation - et cette histoire comprenait ce qu’on a repéré en notant les points communs entre celles qui en sont issues : série de quatre ou x épreuves, se déroulant du proche au lointain, de la disjonction horizontale pour les premières à la disjonction verticale pour la dernière. Elle racontait les victoires du héros à toutes les épreuves imposées (sans doute en prenant des formes animales ou grâce à des alliés animaux), et la déconfiture du maître (noter que lorsque Hèraklès revient avec le chien Kerbèros, Eurysthée a si peur qu’il plonge dans un pithos, objet destiné à contenir des réserves, par exemple de liquide : le père du dénicheur d’oiseau bororo est jeté à l’eau). Avec quatre épisodes probateurs, la version bororo est plus restreinte que les versions indo-européennes, qui comprennent une dizaine d’épreuves : les secondes peuvent alors bien être un développement de la première par enrichissements. En ce sens, le mythe bororo procure une image de ce qu’a pu être la version la plus ancienne des mythes d’Hèraklès et de Brian25.

     

    Albicetti, César, et Venturelli, Ângelo Jayme, 1969 : Enciclopédia Bororo, Campo Grande, Museu Regional Dom Bosco, t. II.

    Colbacchini, António, 1925 : I Boróros Orientali ”Orarimugudoge” del Matto Grosso, Brasile, Turin, Contributi Scientifici delle Missione Salesiane del Venerable Don Bosco.

    Colbacchini, António, avec Albisetti, César, 1942 : Os Bororos Orientais, Sao Paulo/Rio de Janeiro.

    Detienne, Marcel, 1971 : Les Jardins d’Adonis, Paris, Gallimard.

    Jost, Madeleine, 1985: Sanctuaires et cultes d'Arcadie, Paris, Vrin, Études Péloponnésiennes IX.

    Lévi-Strauss, Claude, 1960 : « La chasse rituelle aux aigles », Annuaire de l’École pratique des Hautes Études (sciences religieuses) 1959-1960, p. 38-41.

    1962 : La Pensée sauvage, Paris, Plon.

    1964 : Le Cru et le cuit. Mythologiques I, Paris, Plon.

    1971 : Origine des manières de table. Mythologiques III, Paris, Plon.

    1991 : Histoire de Lynx, Paris, Plon.

    Sergent, Bernard, 1992 : « (Celto-Hellenica V) Les Travaux de Brian», Ollodagos, 5.1, p.:69-129.

    1996 : « Ces demoiselles de Stymphale », in Colette Jourdain-Annequin et Corinne Bonnet dir., Héraklès, les femmes et le féminin, Actes du Colloque de Grenoble, Université des Sciences sociales, 22-23 octobre 1992, Bruxelles-Rome, Institut historique belge de Rome, p. 19-34.

    2009 : Gargantua, Jean de l’Ours et le Dénicheur d’oiseaux, La Bégude de Meyzens, Arma Artis.

    Wilbert, Johannes, et Simoneau, Karin, 1983 : Folk Literature of the Bororo Indians, Los Angeles, UCLA Latin American Studies.

     

    1Lévi-Strauss, 1964, pp. 43-88 ; 1971, pp. 25-32, 34-37, 324-344.

    2Ibid., 1964, p. 43-45.

    3Sergent, 2009, p. 334-351.

    4Detienne, 1971, p. 44-45 ; cf. Lévi-Strauss, 1960, p. 38-41 ; 1962, p. 68-72 ; 1971, p. 242-247.

    5Konôn, 35, cité par Phôtios, Bibliothèque, 186, 137 a - 137 b, traduction V. Henry.

    6Lévi-Strauss, 1964, p. 108. Et cf. mon chapitre sur « Le dénicheur de miel : Ephèse, le Népal, la Chine et l’Islande », 2009, 276-283.

    7Lévi-Strauss, 1964, p. 44.

    8Pour cette série de comparaisons, Sergent, 2009, p. 343-348.

    9Diodore, IV, 13, 2.

    10Apollodore, Bibliothèque, II, 5, 6 ; Diodore, l. c.; Strabon, VIII, 6, 8 (371) ; Pausanias, VIII, 22, 4 ; Quintus de Smyrne, Suite d’Homère, VI, 227-231 ; Hygin, Fables, 30, 6 ; Pline, Histoire Naturelle, VI, 32 ; etc.

    11Hygin, Fables, 20 ; 30, 6. Rappelons qu’Hygin utilise, et met en latin, des mythes grecs d’après des recueils d’époque hellénistique. L’antiquité du présent motif est garantie par le parallèle celtique : lorsque Brian et ses frères sont poursuivis par trois femmes qui se sont changées en griffons, ceux-ci « lançaient des rayons de feu après et devant eux. Ces rayons étaient très brûlants » (Sergent, 1996, 93).

    12Lévi-Strauss, 1964, p. 43.

    13Id., p. 55.

    14VIII, 22, 7.

    15Sergent, 1996.

    16Jost, 1985, p. 102.

    17Références dans Sergent, 2009, p. 348, n. 140.

    18Elles sont des jeunes filles métamorphosées : Apollonios, Argonautiques, IV, 895-898 ; Ovide, Métamorphoses, V, 552-563 ; Hygin, Fables, 14 ; elles sont associées aux Muses, Alcman, frg. 30 Page ; Apollonios, IV, 896 ; Apollodore, Bibliothèque, I, 3, 4 ; Epitomé, VII, 18 ; Hygin, Fables, Préface ; 30 ; 125, 13 ; 141 ; ou rivalisent avec elles, Pausanias, IX, 34, 3 ; Stéphane de Byzance, s. v. Aptera ; Eustathe, à Iliade, I, 201 (p. 85, 47-48) ; elles jouent le rôle de muses funèbres, dans Euripide, Hélène, v. 169-174. Cf. aussi Platon, République, X, 617 c.

    19Ce qui revient sur ma note, 1996, p. 25, n. 23.

    20Lévi-Strauss, 1964, p. 100-101.

    21Sergent, 2009, p. 347-348.

    22Wilbert et Simoneau, 1983, p. 198-199, d’après Albisetti et Venturelli, 1969, p. 303-304.

    23Ainsi Apollodoros, Bibliothèque, II, 12.

    24Lévi-Strauss, 1991, p. 260.

    25Une partie du « chemin » est faite par Lévi-Strauss lorsque, au cours des Mythologiques, il envisage les versions du Dénicheur d’oiseaux d’Amérique du Nord. Certaines d’entre elles comprennent un motif de mauvaise odeur. Je n’ai pas à développer ces aspects ici, c’est l’objet du livre cité de 2009 (sur les rapports précis entre le mythe bororo et les versions nord-américaines, pp. 259-274 et 321). Des versions sibériennes du Dénicheur d’oiseaux sont aujourd’hui connues. Une autre est néo-guinéenne. L’origine paléolithique du récit est incontestable.

     

  • Jamshid J. Tehrani – Reply to Lajoye, d'Huy and Le Quellec (2013)

    Reply to:
    Patrice Lajoye, Julien d'Huy and Jean-Loïc Le Quellec  (2013),
    Comments on Jamshid J. Tehrani (2013).



    Jamshid J. Tehrani*

     

     

    *Department of Anthropology, Durham University, Durham, U.K.

     

    I thank the authors for taking an interest in my study and welcome the constructive spirit of their critique. While Lajoye, d’Huy and Le Quellec are broadly sympathetic to my approach, they raise a number of specific concerns which I would like to respond to here.

     

    ● In suggesting that I included Egbert’s 11th century poem “uncritically” in the ATU 333 corpus, Lajoye et al. seem to have misunderstood my aims, or got them back-to-front. The point is that we don’t know which tales can be classified as ATU 333 and which ones can’t a-priori, since we can’t even be sure it even exists as a distinct international type. Establishing these facts was precisely what my analyses sought to do. And it would have been very odd to omit a story that some scholars believe to be the earliest surviving variant of ATU 333. (As it turns out, my results suggest that these scholars were probably right).

    ● While I certainly can’t claim to have referenced every work on ATU 333 and ATU 123 – two of the most discussed international types in the folklore literature – some of the gaps identified by Lajoye et al. are in fact cited in the study: Eberhard (1970) and Ikeda (1971) both appear in the list of references, while samples of the material collected by Delarue and Rumpf were included in the analyses.

    ● Lajoye et al. similarly suggest that there are gaps in the motifs used in the character data. I should point out that one of the motifs they say I ignore - “villain gives victim remains of the grandmother to eat” – is actually present (indeed, they reference that very character in the sentence immediately prior to the one in which they say it was missing). They also claim that the number of characters is important for the effectiveness of phylogenetic method. This is not necessarily true. It doesn’t help to keep adding characters and character states if they are uninformative about phylogenetic relationships, redundant, or add noise to the analysis. Quality is more important than quantity. In this case, most of the characters and character states they point to as missing either do not occur in the tales I used, or only occurred in a single variant, making them phylogenetically uninformative.

    ● This brings us to the most substantive criticism made by Lajoye et al., namely that there are many more variants of ATU 333 and ATU 123 that have not been translated into English. They focus on the rich body of material collected by French folklorists in particular, including a fascinating version of ATU 333 from the Velay and the Dauphiné. I am grateful to the authors for drawing my attention to these variants, which certainly deserve further investigation. I absolutely accept (as stated in the paper itself) that there is much more work to be done, both at a regional scale and globally. However, I think that the need for multi-lingualism must go further than European languages like English, French and German. As I say towards the end of my paper, there is surely a wealth of Chinese, Turkic, Mongolian, etc. variants that would illuminate the many questions that remain concerning the origins and diffusion of these stories. In the meantime of course, we work with the materials we have. No corpus is ever complete – even the collections mentioned by Lajoye et al. represent a tiny sample of all the versions of those tales that exist in those populations. So that raises the question of how much data are enough data? 58 versions of ATU 123/333 may only be a snapshot, but it is one that nevertheless reveals an image of the big picture, if not all the details and nuances. Similarly, one of the authors of the above critique considered 13 versions of Pygmalion (d’Huy 2013 Rock Art Research 30) and 44 versions of Polyphemus (d’Huy 2013 NMC, 1) to be sufficient to make inferences about their diffusion and original forms over extremely large geographical and temporal distances. So I suppose it is a question we can ponder together.

     

    I believe that future progress in this field will depend on international collaboration, and on making our data and findings available to one another. From that point of view, I welcome the reanalyses of my data that Lajoye et al. report here. The results are interesting, and support the same major clusters as my phylogenetic analyses. A word of warning though – multidimensional scaling like PCOA does not employ an explicitly evolutionary model to account for the dissimilarities among taxa, so we must be careful not to over-interpret what these clusters mean from a phylogenetic point of view, or make inferences about ancestor-descendent relationships.

     

    Once again I thank the authors for their feedback. I hope that this response has proved useful and look forward to discussions on our future research.

     

    Jamie (Jamshid) Tehrani

     

  • Patrice Lajoye, Julien d'Huy and Jean-Loïc Le Quellec - Comments on Tehrani (2013)

    Comment on:
    Jamshid J. Tehrani (2013),
    The Phylogeny of Little Red Riding Hood,
    PlosOne, November 13, 2013.



    Patrice Lajoye, Julien d'Huy* and Jean-Loïc Le Quellec**

     

    *Centre d'Etudes des Mondes Africains, CNRS, UMR 8171.

    **Centre d'Etudes des Mondes Africains, CNRS, UMR 8171 - Honorary Fellow, School of Geography, Archaeology and Environmental Studies - University of the Witwatersrand, Johannesburg.

     

     

    A few weeks ago, the magazine PlosOne has published an interesting article, "The Phylogeny of Little Red Riding Hood ", by Jamshid J. Tehrani , University of Durham, on the study of folktale -type AT 333 – Le Petit chaperon rouge, The Glutton , Rotkäppchen - and AT 123 – Le Loup, la chèvre et ses chevreaux, The Wolf and the Kids. Indeed we have long sensed that both AT 333 and AT 123 have at least interfered or that one could derive from the other. The author had the good sense to apply methods borrowed from phylogenetics on these folktales. Good idea, because this is a way of approaching sources as neutral as possible, without preconceived ideas. By applying this method to both tale types, the author concluded that AT 333 and AT 123 are indeed two different types, and that African versions belong to AT 123, but that Far Eastern versions are a mixture of both.

    We support this type of analysis: our readers were able to read an article by Julien d'Huy, based on a similar methodology, which was the first paper we published. But we need to emphasise that, regarding statistical analyses, it is required that the corpus be as broad and representative as possible. This is the weak point in Jamshid J. Tehrani's study.

     

    First of all, he includes, uncritically, the Latin poem of Egbert of Liège (11th century), in the corpus of AT 333, while this is still debated1.

    But the most important criticism that we can emit concerns the weakness of the corpus itself. The entire study covers only 58 variants (Egbert included). And for a good reason:« Data for the study were drawn from 58 variants of ATU 333/123 available in English translation from 33 populations ».

    Of course, we are not asking anyone to be a new Jeremiah Curtin or a new Georges Dumézil, but if there is one field in which the knowledge of languages other than English is required, it is folkloristics. Two major languages are to be taken into account: French and German. Thus, significant gaps are found in the bibliography of the author, who works on less than one tenth of the AT 333 versions mentioned by Stith Thompson, which was far from complete. We do not find, for example, Marianne Rumpf thesis on AT 333, defended in 1951 in Göttingen, published in 19892. An article by Gottfried Henssen and another one - this time on AT 123 – by Marie-Louise Tenèze are also missing3.

    Most importantly, the indispensable descriptive catalog of the French folktales by Paul Delarue and Marie-Louise Tenèze, yet reissued in a single volume in 2002, is even not mentionned4.

    One might think that the last remark reveals our chauvinism but the Delarue-Tenèze corpus mentions 32 versions of AT 333 and 88 versions of AT 123 (not to mention the medieval versions from the Isopets and from French speaking territories overseas, yet also inventoried).

    With only the French corpus, Jamshid J. Tehrani could have tripled his corpus. What about the other potential national corpora? The author mentions, for example, one Russian version of AT 123, from second hand and not localized (when you know the size of Russia, this is important). A simple overview of the collection of Alexander Afanasyev allows to discover two versions5, but Afanasyev's collection is not unique: there are many more! In the case of Portugal, the author mentions "Vasconcellos, L. (nd) "O Chapelinho Encarnado", without going further in search of his source, which is José Leite de Vasconcelos, Contos Populares e Lendas, published in 1963. However it has been shown that this version is directly demarcated from Perrault and Grimm6. And can we say, again, that this version is unique? Certainly not, as another one was published in 1984 by Zófimo Consiglieri Pedroso.

    To return to the French case, the study of Paul Delarue is important because it allows precisely to nuance many aspects, particularly with regard to possible literary influences - which Jamshid J. Tehrani ignores. Regarding AT 333, Delarue mentions 20 versions which owe nothing to Perrault (all located in the basin of the Loire and north of the Alps, they are similar to Tyrolean and Italian versions), 12 mixed ones and 2 versions that owe everything to Perrault. He also notes that the Grimm version is the Perrault’s one, with an end taken from the German form... of AT 123!

    Also in France, according to Marie-Louise Tenèze, 9 versions of AT 123 have been influenced by Grimm, while 4 others derive from an “image d'Épinal”. And even without that, one should take into account the rich tradition of medieval Isopets, which certainly derived from Aesop's fables - and were popularized in Europe.

    The situation is even worse for the mentions of AT 333/123 tales in Asiatic sources: eighteen Korean versions were cited by In Huak Choi in 1979, seventy-three Japanese versions were summarised in 1971 by Hiruko Ikeda, and 241 Chinese version were analysed by Wolfram Eberhard in 1970! So there is justifiable doubt as to whether or not Tehrani’s sample is really as “representative” of the geographic distribution of these tales as he says.

     

    The extension of the AT333 and AT123 corpus also allows some nuance about Jamshid J. Tehrani work, who mentions the location of the action as a discriminant criterion between the two tale types: in one, AT 333, the action happens outside, at the grandmother’s house, while in the other, AT 123, the action happens inside, at the goat and kids’ home. However, there are four French versions of AT 333 (22, 24, 25 and 28 from the Delarue and Tenèze corpus) in which the action takes place at the girl's home. These versions are all located in the Velay and the Dauphiné, where they probably form a particular local tradition. The mother is eaten by the wolf in her house, and the girl discovers the tragedy when she returns home. What can we think about these versions? Are they contaminated by AT123, or do they represent an unrecognized, older state of AT 333?

    Conversely, one of the two Russian versions of AT 123 shows a homeless goat, ready to whelp. It passes through a forest and finds there a hut similar to Baba Yaga’s hut, and occupies it. But that is not her own home. These are all nuances that do not appear in the work of Jamshid J. Tehrani.

    Many other gaps and lacunae appear in the analysis grid of the author. Thus, he lists a "Villain offers grandmother's flesh to the victim" motif, but he forgets "Villain offers grandmother's blood to the victim." Similarly he's got "Guardian Gives remains of child to the villain to eat" but he doesn't take into account "Villain Gives remains of grandmother to the child to eat."

    The author's unfamiliarity with folkloristics appears clearly in the motif he defines as "Victim flees through the woods, and uses the help of the river, mountain, etc. to obstruct the villain's pursuit "... whereas it is the well known "Magic flight" motif (Stith Thompson's D670).

     

    Among the problems associated with Tehrani’s characterisation of the motifs, we note that the No. 21 is: "The victim and villain take separate routes": [0] missing [1] take the path of needles and pins [2] the villain takes the shortcut. But as far as [1] is concerned, the choice can be between needles and pins, stones and thorns, stones and pins, road and fields, or simply between two different paths. The list given for the species of the villain (No. 7: [0] fox [1] ogre [2] wolf [3] tiger/leopard [4] lion [5] bush beast [6] hyena [7] bear [8] alligator [9] crow) is far from being complete, as he can also be a man, a werewolf or the Devil. And several other motifs could be added, like “Villain comes to victim’s house”, “Victim tries to hide”, “Villain enters into victim's house”, “Victim wanders through the path while villain runs”, etc. This is important as the method followed by the author is more effective when the number of characters is important.

    Some of the statistical tools used by Jamshid J. Tehrani themselves are also questionable. Thus, when using NeigbhorNet, he forgets to mention that the versions may only appear at the network edge, which prevents to see some more subtle links. Sometimes, NeighborNet also cannot place such a given version in an intermediate position between many others around it ; that can biase its position7.

    In the autor’s database we replaced “-” by “?”, we transformed the base in Jaccard (taking into account the similarities and not the differences) and we launched a « principal coordinates analysis » (PCoA, transformation exponent : c = 2) with Past 3.0 (Hammer et al. 2001). PCoA is a well-know method that tries to find the main axes through a matrix. It starts with the matrix and assigns for each item a location in a low-dimensional (here two) Euclidian space. Then it calculates many eigenvalues and eigenvectors. Coordinate1 and Coordinate 2, which are the first and second principal coordinates, accounts for as much of the variability in the data as possible (here, proportion of explained variance: C1 : 30,629% ; C2 : 13,396% of the data). Indian, and not European, versions seem placed at the center (fig. 1).

     

    FIGURE 1 PCR.jpg

     

    When we placed in Easting and Northing the variable that explains the most distintive features (30.62%), we also obtained a similar result where the European versions are no longer in the middle (fig.2).

     

    FIGURE 2 PCR.jpg

     

     

    This does not mean of course that the method used by the author is to be rejected: quite the contrary. But it must be applied with caution and only after establishing and criticizing a corpus as complete as possible.

     

    Patrice Lajoye, Julien d'Huy, Jean-Loïc Le Quellec

     

     

     

    Alexander Afanasyev, Народные русские сказки, Moscow, Nauka, 3 volumes, 1984-1985.

    Jacques Berlioz, « La Petite robe rouge », in Jacques Berlioz, Claude Brémond et Catherine Velay- Vallantin, Formes médiévales du conte merveilleux, 1989, Paris, Stock.

    In-Hak, Choi, A Type Index of Korean Folktales, 1979, Seoul, Myong Ji University Publications, xii-353 p.

    Paul Delarue, « Les contes de Perrault et la tradition populaire », Bulletin folklorique d'Île-de-France, 1951.

    Paul Delarue et Marie-Louise Tenèze, Le Conte populaire français. Catalogue raisonné des versions de France, 2002, Paris, Maisonneuve et Larose.

    Wolfram Eberhard, Studies in Taiwanese Folktales, 1970, Taipei, Asian Folklore and Social Life Monographs, 193 p.

    O. Hammer, D. A. T. Harper and P. D. Ryan, PAST: Paleontological statistics software package for education and data analysis, Palaeontologia Electronica, 2001, 4(1), 9 p.  http://palaeo-electronica.org/2001_1/past/issue1_01.htm

    Gottfried Henssen, « Deutsche Schreckmärchen und ihre europäischen Anverwandten », Zeitschrift für Volkskunde, 51, 1953, p. 84-97.

    Paul Heggarty, Warren Maguire and April McMahon, « Splits or waves? Trees or webs? How divergence measures and network analysis can unravel language histories », Philosophical Transactions of the Royal Society B, 2010, 365, p. 3829-3843.

    Hiroko Ikeda, A Type and Motif Index of Japanese Folk-Literature, 1971, Helsinki, Suomalainen Tiedeakatemia (Folklore Fellows Communications (vol. 209), 375 p.

    Zófimo Consiglieri Pedroso, Contos Popolares Portugeses. Revista e aumentada, “Outras Obras”, 1984, Lisboa, Vega [1ª ed.: 1910] (297-301)

    Marianne Rumpf, Rotkäppchen, eine vergleichende Märchenuntersuchung, (1951) 1989, Peter Lang.

    Marie-Louise Tenèze, « Aperçu sur les contes d'animaux les plus fréquemment attestés dans le répertoire français », IV International Congress for Folk Narrative Research in Athens (1964), Lectures and Reports, Athènes, 1965, p. 569-575.

    José Leite de Vasconcelos, Contos Populares e Lendas, coordenação de A. S. Soromenho e P. C. Soromenho, I, 1963, Coimbra, Acta Universitatis Conimbrigensis.

    Francisco Vaz da Silva, «Capuchinho vermelho em Portugal.», Estudos de Literatura Oral 1, 1995, p. 38-58.

     

     

     

    1Delarue, 1951, p. 227 ; Berlioz, 1989.

     

    2Rumpf, (1951) 1989.

     

    3Tenèze, 1965.

     

    4Delarue et Tenèze, 2002.

     

    5Af 53/23a ; Af 53/ 23b.

     

    6Vaz da Silva, 1995.

     

    7Heggarty and al., 2010.