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(Review) Roger D. Woodard – Myth, Ritual and the Warrior in Roman and Indo-European Antiquity

myth-ritual-and-the-warrior-in-roman-and-indo-european-antiquity.jpgRoger D. Woodard, Myth, Ritual, and the Warrior in Roman and Indo-European Antiquity, 2013, Cambridge University Press.

 

Avec Myth, Ritual, and the Warrior in Roman and Indo-European Antiquity, Roger Woodard aborde à nouveau la thématique spatio-calendaire de son précédent ouvrage, Indo-European Sacred Space Cult dans lequel il mettait en parallèle la topographie sacrée de Rome et ses rituels associés avec ceux de l'espace sacrificiel védique.

R. Woodard part des correspondances existant entre la fête des Poplifugia (5 juillet), censée commémorer la fuite du peuple romain devant ses ennemis, et celle des Nones Caprotinae (7 juillet), qui célèbre la victoire de Rome sur une armée assiégeant cette ville, au moyen du stratagème d'une esclave. Cette dernière fête étant liée aux Parilia (21 avril), avec laquelle elle partage un lien avec la fertilité et la sexualité. Dans son analyse du rapport entre les deux premières fêtes, notre auteur remarque qu'elles sont liés à une crise guerrière. Or, il observe que les dates du 5 et du 7 juillet sont également données comme étant celles de la disparition soudaine de Romulus, elle aussi accompagnée d'une fuite du peuple romain qui peut, là encore, être rapprochée d'une crise guerrière. Woodard examine également la version de cette événement qui ne fait pas de la disparition de Romulus un événement surnaturel, mais un assassinat, et qui a également des affinités guerrières. Il explore les variantes existant dans les mouvements des Romains en fuite lors du Poplifugium et il en extrait des variantes rituelles. Celles-ci lui permettent de rapprocher le complexe formé par les Poplifugia et les Nones Caprotinae de la tradition mythique indo-européenne que Woodard avait commencé à explorer dans son précédent ouvrage : soit le franchissement des limites de la société par un guerrier vers un lieu où il est psychologiquement affecté, soit son retour dans la société depuis un tel lieu et dans le même état de dérangement mental. Dans les deux cas, ce traumatisme psychologique suit un triomphe militaire de ce guerrier. Notre auteur compare donc les faits romains à ceux des traditions irlandaises, indo-iraniennes et grecques. Il en tire plusieurs éléments caractéristique du complexe des Poplifugia et des Nones Caprotinae : les mouvements caractéristiques de la crise guerrière sont marqués par le franchissement d'une limite qui, à Rome, est celle du Pomerium ; le rôle nécessaire de la nudité d'une figure féminine érotique, d'une femme clairvoyante, des eaux dans la réintégration du guerrier dans la société ou dans la destruction de la menace guerrière qu'elle fait peser sur la communauté. Cette masse du peuple qui réintègre ou élimine la ou les figure(s) guerrières menaçantes démontre ici la force de la troisième fonction, celle de la fertilité et de la fécondité, sur la seconde, celle de la guerre. De ces comparaisons, Woodard en conclut que les rituels et les mythes qu'il a explorés, en partant des faits calendaires romains trouvent leur source dans des pratiques rituelles proto-indo-européennes visant à réintégrer le guerrier traumatisé par son expérience guerrière dans la société à laquelle il appartient.

Cette dernière théorie de l'auteur nous semble tout à fait crédible et elle lui permet de décoder parfaitement le rapport mystérieux existant entre les Poplifugia et les Nones Caprotinae. De la même manière, l'analyse comparable du motif de la crise du guerrier dans les autres traditions indo-européennes nous semble parfaitement valable. Cependant, nous ferons deux remarques.

Premièrement, Woodard signale que, contrairement, aux vues de Dumézil dans son Heurts et Malheurs du Guerrier, ce qui arrive à l'irlandais Cú Chulainn, au romain Horace ou aux védiques Indra et Trita ne peut être perçu comme un mythe initiatique. Il est vrai qu'à la lecture du présent ouvrage, le motif de la crise du guerrier s'impose dans ces récits, mais ne peut-il cohabiter avec un motif initiatique ? En effet, les traditions initiatiques se signalent par une mort et une renaissance symboliques, ce qui est également le cas ici dans le motif de la crise du guerrier. Prenons le cas de Cú Chulainn. Certes, il s'agit d'un guerrier qui est réintégré à la société après une expédition guerrière traumatique, mais il s'agit de sa première expédition guerrière, de celle qui va l'initier pleinement comme un guerrier de sa communauté. Il semble donc que les motifs de l'initiation guerrière et de la réintégration du guerrier à la société peuvent très bien se superposer dans ces mythes et, éventuellement, dans les rituels auxquels ils étaient liés, en tout cas en ce qui concerne l'Irlande.

Deuxièmement, certains éléments de ce motif de la crise guerrière et leurs expressions mythico-guerrières devraient être réexaminés à la lumière du mythème de la « colère de la déesse », mais également à celle de la quatrième fonction. En effet, le dénudement érotique féminin, la liminarité et les caprins sont liés à la fois à ce mythème et à ce prolongement de la trifonctionnalité dumézilienne.

Il n'en reste pas moins que ce livre est d'un grand intérêt pour les spécialistes de la religion romaine, mais également pour tous ceux qui s'intéressent au comparatisme mythologique et à l'ethnohistoire indo-européenne.

 

Guillaume Oudaer

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