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(Review) Guillaume Ducœur et Claire Muckensturm-Poulle (dir.), La Transmigration des âmes en Grèce et en Inde anciennes

1000px-transmigration.jpgGuillaume Ducœur et Claire Muckensturm-Poulle (dir.), La Transmigration des âmes en Grèce et en Inde anciennes, 2016, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté.

 

Ce bref (mais dense) ouvrage de 127 p. est issu d’une journée d’étude tenue à l’Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité, de l’Université de Franche-Comté.

Passé un bref avant-propos de Claire Muckensturm-Poulle, présentant la journée d’étude, le livre s’ouvre par une introduction de Guillaume Ducœur faisant le point sur les conceptions que l’on se faisait en Inde et en Grèce (du moins chez Platon) du cycle des âmes, à l’aide notamment de schémas remarquablement clairs (p. 20-21), qui permettent de percevoir rapidement les points communs et les différences entre les deux doctrines. Mais, concernant les points communs, l’auteur refuse toute possibilité d’héritage commun. «Ainsi, ces théories sur la transmigration des âmes virent le jour dans des milieux intellectuels tout autant grecs qu'indiens au cours des VIIe-VIe s. av. J.-C., c'est-à-dire plus d'un millénaire après la séparation de clans parlant le proto-indo-européen […].»

L’article suivant, de Daniele Maggi («Perspectives sur la transmigration des âmes dans l’aire indo-européenne: l’histoire indienne d’Urvaśī et Purūravas et ses horizons comparatifs»), se place quant à lui bien dans une perspective de recherche d’héritage commun, en comparant l’histoire indienne avec le récit irlandais médiéval Torchmarc Étaíne (La Courtise d’Étain). L’article lui-même est très documenté (mais on aurait aimé que les deux histoires, supposées connues des lecteurs, soient résumées). Cependant, on peut se demander si les deux récits sont bien comparables. L’histoire d’Urvaśī est un récit de type mélusinien classique, tandis que celle d’Étain relève d’un tout autre motif: celui, très répandu dans le monde, de la conception par ingestion.

L’article de Françoise Dunand, «Anthropologie égyptienne. Les voyages du ba», s’ouvre sur une utile mise au point sur la conception égyptienne de l’âme. L’étude, cependant, s’achève sur une affirmation surprenant: «Le thème de la réincarnation est pratiquement absent des textes égyptiens, qu’ils soient littéraires ou théologiques. Un cas peut-être unique figure cependant dans l’histoire de Setné» (p. 59). Or l’histoire de Setné, présentée ensuite, est un roman connu par deux versions, l’une époque ptolémaïque, et l’autre d’époque romaine, dont la trame est singulièrement proche du fameux Conte des deux frères, lequel date du XIIe siècle av. J.-C., un conte que Françoise Dunand ne mentionne pas.

Arnaud Macé, avec «La circulation cosmique des âmes. Platon, le Mythe d’Er», revient en détail sur la conception platonicienne du cycle des âmes. Jean-Marie Verpooten, quant à lui («Quelques remarques sur le vocabulaire de la transmigration dans le bouddhisme des origines»), fait le point sur les termes employés dans les textes concernant la migration de l’âme et la conception du Bouddha.

Les deux articles suivant, de Guillaume Ducœur («Palingénésie indienne et métensomatose basilidienne chez Clément d’Alexandrie (Stromates 3.7 et 4.12)») et de Claire Muckensturm-Poulle («Désincarnation et réincarnation des âmes dans la Vie d’Apollonios de Tyane»), nous ramènent au cœur de l’aire hellénistique, et nous invitent à nous poser la question de pourquoi l’Inde, pourtant entrée en contact avec le monde grec depuis les conquêtes d’Alexandre le Grand, est si mal connue des auteurs postérieurs. Or à plusieurs reprises, Clément d’Alexandrie condamne la théorie du cycle des âmes, qu’il attribue une fois aux brahmanes de l’Inde. En étudiant ces extraits, Guillaume Ducœur nous livre une riche étude sur les notions qu’avaient les philosophes et historiens grecs des doctrines indiennes, qu’elles soient brahmaniques ou bouddhistes. Et, comme le montre Claire Muckensturm-Poulle, on note une influence sensible des idées brahmaniques sur l’âme dans la Vie d’Apollonios de Tyane.

 

Patrice Lajoye

Commentaires

  • Très intéressant .Cela donne envie d'approfondir.Merci

  • Un peu léger. Pour approfondir, voir : A. Bernabé (éd.), Reencarnación. La transmigración de las alma entre Oriente y Occidente, Madrid, éd. Abada, 2011. (à peu près 700 pages !).

  • C'est clair qu'il ne s'agit pas d'une somme. Après tout, ce n'est que la publication d'une journée d'étude: c'est donc forcément limité. Mais au-delà des critiques que j'ai émises, il y a quand même des choses à en retenir, surtout dans les deux derniers articles.

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