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  • (Review) Jiří Dynda, Slovanské pohanství ve středověkých ruských kázáních

    scan_lajoyep_2020-03-04-11-25-00_1.jpegJiří Dynda, Slovanské pohanství ve středověkých ruských kázáních, 2019, Prague, Scriptorium, 407 p.

    Deux ans après la publication d’un premier volume de très bonne facture consacré aux sources latines (mais pas seulement) sur le paganisme des Slaves, le chercheur tchèque Jiří Dynda revient avec un nouvel ouvrage traitantcette fois deshomélies russes médiévales. Ces homélies sont en effet d’une grande richesse, car elles mentionnent, d’une part, les anciens dieux du paganisme des Slaves de l’Est, dont les noms semblentcependant avoir été copiés sur les chroniques antérieures à la rédaction des homélies, et d’autre part, une multitude de créatures, démons et autres personnages du folklore. Elles mentionnent aussi des fêtes et des pratiques condamnées par l’église, divers types de sorciers, ainsi que des coutumes incompatibles avec la morale chrétienne. Ce sont donc des matériaux précieux. Cependant, comme toute littérature ecclésiastique, ce sont aussi des textes difficiles à manipuler, et il convient d’en mener un examen critique, afin de s’assurerde ce qui relève réellement du paganisme, et de ce qui relève du stéréotype littéraire, parfois importé de Grèce.

    S’appuyant sur les travaux les plus récents, Jiří Dynda revient ainsi sur la question du dvoeverie, ou « double foi », un concept apparu au XIe siècle dans la littérature homélitique, et au sujet duquel on a longtemps cru qu’il pouvait s’agir d’une survivance du paganisme aux côtés du Christianisme. Or il semble en réalité que le terme s’applique à ceux qui doutent, ou dont la foi est incertaine, ou encore au schisme entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique. Il ne saurait donc ici être question d’une survivance du paganisme.

    C’est en fait sur les anciens rituels que ces homélies sont les plus fiables. Condamnant les anciens rituels funéraires, ou les jeux rituels, elles en font aussi la description, parfois précise.

    Le volume se conclut par une sélection de dix des principaux textes homélitiques, chacun d’entre eux étant précédé d’une description, notamment concernant la tradition codicologique, et étant accompagné d’un abondant apparat critique et d’une traduction en tchèque.

    Le tout est suivi d’une abondante bibliographie, avec notamment la liste des manuscrits employés, pour lesquels l’auteur fournit un lien permettant de les consulter en ligne lorsqu’ils ont été numérisés.

    Avec Slovanské pohanství ve středověkých ruských kázáních, Jiří Dynda offre ainsi à ceux qui s’intéressent à la religion et à la mythologie des Slaves païens un très utile outil de travail, mais aussi une mise au point critique tout à fait bienvenue.

     

    Patrice Lajoye

  • Julien d'Huy - Mythologie matrimoniale. Ce que la mythologie peut nous apprendre du comportement de nos ancêtres

    Mythologie matrimoniale

    Ce que la mythologie peut nous apprendre du comportement de nos ancêtres

     

    Julien d'Huy

    Institut des Mondes africains, UMR CNRS 8171 

     

    Abstract : The goal of this paper is to apply the phylogenetic method to a set of mythological traditions, allowing the reconstruction of the social beliefs and practices related to sexuality known just before the Out of Africa process. Berezkin’s database (section F, devoted to sexuality) has been used. The first dataset included a set of traditions sharing each motif (at least two) with at least one other tradition (i.e. 122 ethnic groups for 122 motifs). The second dataset retained the 29 ethnic groups (for 105 motifs) including at least 12 motifs. The distance of each tradition from Africa was obtained using data from Fort and Pérez-Losada (2016). The calculation of the Pearson and Spearman correlations shows a strong influence of distance from Africa on the variability of the mythological traditions, explaining from 31 to 47% of the observed variance. The mid-point rooting of the tree built with MrBayes 3.2.7 puts Bulgarians, Romanians, Russians, Germans, Frenchs and Finns (i.e. the closest geographical traditions in Africa) as an exogroup. Three motifs reconstructed using a parcimony tree build with Mesquite were probably known before the Out of Africa process: F7 «The man takes or tries to take as his wife a being linked to the underwater world (fish, crab, snake, aquatic animal, etc.)»; F9 «For various reasons, sexual contact with a woman is fatal to a man» and F45 «There are (or have been) women living apart from men in their own village(s).» The analysis of the motif F7 with the contribution of other elements, such as the southern diffusion of patrilocality around the world, supports the existence of patrilocality before the Out-of-Africa episode.

    Keywords : Evolutionary history of myths ; Cultural evolution ; Paleolithic networking ; Sexuality ; Patrilocality ; Early human dispersal ; Out of Africa.

    Résumé : L’objectif de cet article est d’appliquer la méthode phylogénétique à un corpus de traditions mythologiques pour reconstruire les croyances et les pratiques sociales en relation avec la sexualité qui étaient connues juste avant la sortie d’Afrique. Les corpus ont été produits grâce à la banque de données de Yuri Berezkin (section F, consacrée à la sexualité). Le premier corpus comprend un ensemble de traditions partageant chaque motif (au minimum deux) avec au moins une autre tradition (soit 122 ethnies pour 122 motifs). À l’intérieur du second corpus ont été retenu les 29 ethnies (pour 105 motifs) possédant au moins 12 motifs. La distance de chaque tradition depuis l’Afrique a été obtenue en utilisant les données de Fort et Pérez-Losada (2016). Le calcul de la corrélation de Pearson et de la corrélation de Spearman montre une forte influence de la distance depuis l’Afrique sur la variabilité des traditions mythologiques étudiées, expliquant de 31 à 47 % de la variance observée. L’enracinement médian de l’arbre construit grâce au logiciel MrBayes 3.2.7 place en exogroupe les Bulgares, les Roumains, les Russes, les Allemands, les Français et les Finnois, soit (à l’exception des Adyghes et des Grecs antiques) les traditions géographiquement les plus proches d’Afrique. Trois motifs semblent antérieurs à la sortie d’Afrique : F7 « L’homme prend ou tente de prendre pour femme un être lié au monde sous-marin (poisson, crabe, serpent, animal aquatique, etc.) » ; F9 « Pour différentes raisons, le contact sexuel avec une femme est mortel pour un homme » et F45 « Il y a (ou il y a eu) des femmes qui vivent à l’écart des hommes dans leur(s) propre(s) village(s). » L’analyse du motif F7 et l’apport d’autres éléments au dossier, comme l’aire de diffusion mondiale de la patrilocalité, vont dans le sens de l’existence de la patrilocalité avant la sortie d’Afrique.

    Mots-clés : Évolution des mythes ; Évolution culturelle ; Sexualité ; Patrilocalité ; Premières dispersions humaines ; Sortie d’Afrique.

     

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